Soulever un colosse de plus de deux mètres relevait de la sorcellerie. Et pourtant la créature drapée d’obscurité semblait avoir suffisamment de force pour réaliser un tel exploit avec son seul bras droit. Toujours sans la moindre expression facial, le démon plongea son regard dans celui d’Ulfark. Il avait déjà fait face à la colère des hommes. Il avait affronté à plusieurs reprises la furie des bêtes et survécu au courroux d’un géant. Mais la rage qu’il lisait dans ces yeux là le fascinait sans qu’il puisse en expliquer la raison.

Une simple pression sur la gorge du guerrier stoppa net sa dernière tentative de soulever son épée démesurée. La créature savait pertinemment où appuyer pour provoquer une souffrance dissuasive. Son attention revint aussitôt à ces deux captivantes pupilles. Sans relâcher sa poigne de fer du gosier de l’animal, le diable approcha sa main libre de son oeil droit. Les grognements colériques de l’humain se transformèrent en gémissements. Le bourreau posa les yeux sur son office et laissa transparaître sa déception. La flamme de haine qui brillait dans cet iris l’avait quittée une fois sortie de son orbite. En serait-il de même pour sa jumelle ?



L’imposant chef de guerre lança un regard soupçonneux à cet invité fortuit. D’aussi loin qu’il se souvienne, aucun Gobelin ne s’était jamais présenté à lui sans avoir une idée derrière la tête. C’était un peuple menteur et rusé. L’un de ses cousins en avait déjà fait les frais. Celui-là payerait donc pour tous les autres.


Une météorite traversa le plafond de la hutte et s’écrasa entre les deux protagonistes à la peau verte. Le choc envoya le Gobelin à terre alors que son interlocuteur saisissait déjà sa hache, prêt à combattre. Trois Orcs entrèrent précipitamment et se postèrent aussitôt aux côtés de Krom. Un homme en armure noir se redressa en prenant appui sur un immense bout de ferraille. En y regardant de plus près, les guerriers reconnurent immédiatement une épée.


Comme un seul homme, les trois soldats brandirent leurs haches et lancèrent leurs cris de guerre avant de bondirent sur leur ennemi. Ulfark en faucha deux avec son épée dans un coup circulaire et dut lâcher son arme pour éviter le dernier coup. La tête de son adversaire suffisamment proche de lui, il décida de tester la dureté légendaire d’un crâne d’orc avec son front. Un coup de boule à faire pâlir Zidane.

Ulfark tituba et pendant quelques secondes sa vision se brouilla. Malgré une constitution physique supérieure à celle d'un homme, ce coup là l'avait bien sonné. Il prit bien note d'éviter les attaques frontales de ce genre pour le reste du combat. Mais lorsque le floue se dissipa sur sa vue, il comprit que tout était déjà terminé.


Le changeling observa de son unique oeil valide les deux orcs qui avaient rejoint la hutte en renfort, avant de constater que ses trois ennemis s’étaient déjà remis de leurs blessures. Face à un tel comité d’accueil, l’affrontement n’avait que peu d’issues possibles. Et aucune d’elles ne lui convenait. Après un effort surhumain, Ulfark parvint à contrôler la rage qui bouillonnait en lui et décida de se rendre. Être dépossédé de tout contrôle sur les évènements le rendait particulièrement violent. Mais grâce à l’enchantement de son armure, il pouvait garder la tête froide. Quoique cette bande d’orcs aient prévu de lui faire, il trouverait un moyen de sauver sa peau à un moment ou à un autre. Quitte à libérer la bête tapie en lui.