J’observais la sauvageonne se ruer sur son arc et sur sa dague, je me tenais prêt au cas où elle tenterait quelque chose de stupide, comme me menacer à nouveau avec son arc par exemple. Une fois ses armes ramassées, elle s’empressa de récupérer ces biscuits, comme s’il s’agissait de pièce d’or, ainsi que la carcasse du lapin. Je la regardais faire, adossé contre un arbre, les bras croisés, j’espérais que son petit manège n’allait pas durer toute la journée. Elle me jeta un regard de glace, dénudé d’expression, j’avais l’impression de me voir dans un miroir tant nous avions le même attrait pour rester indifférent et ne laisser paraitre aucune émotion. Elle s’approcha d’un arbre, durant un instant, j’ai cru qu’elle voulait s’enfuir, mais elle finit par redescendre…accompagnée. Elle avait à présent un serpent autour du cou et un corbeau sur son épaule, tout deux laissèrent échapper, chacun à leur manière, leur méfiance envers moi. Je savais pourquoi ils faisaient cela, ils sentaient ce que j’étais réellement, on peut appeler cela, le sixième sens des animaux de savoir qui se cache derrière ce masque, cette illusion magique.

Elle répondit seulement maintenant à ma question, elle m’assura avoir un nom, sans pour autant me le donner et quand à mon avertissement de tout à l’heure, elle me rétorqua une chose assez surprenante. Ni une, ni deux, je pressai le pas pour me mettre à sa hauteur et la saisir par le bras, avec le mécontentement de ces animaux.

« Ecoute, je ne sais pas si c’est de l’humour, ou de l’inconscience, mais ne t’amuses surtout pas à jouer avec moi. Tu ne sais pas à qui tu as affaires, je pourrais bruler cette forêt pour obtenir ce que je souhaite. Maintenant que tu le veuilles ou non, tu as une dette envers moi et tu as intérêt à ne pas l’oublier. A présent, si tu ne souhaites pas me donner ton nom, je pourrais toujours t’appeler sauvageonne ou tout autre nom qui me passerait par la tête.

Après cette avertissement, je la lâchais et la laissa poursuivre son chemin. Elle dépeçait sa proie tout en me guidant, elle pouvait faire ce qu’elle souhaitait tant qu’elle me menait là où je le voulais. Je sentais que tout les oiseaux m’observaient sur notre route, eux aussi, ils le sentaient, la présence d’un dragon. Sauvageonne, puisqu’elle ne voulait toujours pas me donner son nom, je devais bien en inventer un, me fit la remarque que malgré ma discrétion, on pouvait me sentir à des lieues à la ronde. Encore une provocation de sa part, malgré tout, j’aimais bien son insolence, elle me faisait un peu penser à moi lors aux débuts de ma carrière. Mais j’ai vite appris devoir faire preuve de retenue quand je m’adressais à de « gros » client. Quand à sa remarque, je me contentais simplement de répondre :

« J’en ai tué du monde et la seule chose qu’ils ont senti, c’est la morsure froid de l’acier de ma lame dans leur côte ou celle de la pointe de ma flèche. »

Son serpent n’arrêtait pas de m’observer, qu’il à fixer un frère reptile de cette manière ? Soudain, elle s’arrêta et grimpa dans un arbre, disparaissant quelque temps de ma vue. Dès qu’elle fut hors de ma vision, je lui rappela ma conversation d’un peu plus tôt.

« Ne t’avises pas de me fausser compagnie, j’ai comme qui dirait la rancune facile. »

Pendant qu’elle jouait à je ne sais quoi, je réfléchissais à la manière de procéder une fois que j’aurais trouvé le campement. Première étape, localisé ma cible, j’avais eu une rapide description de ce à quoi il devait ressembler. Ensuite, voir combien de bandit se trouvait sur les lieux. Savoir si je pouvais prendre le risque de les affronter ou si leur surnombre était trop imposant. Au pire, je pourrais toujours prendre ma forme de dragon, au milieu de cette forêt, il n’y aurait pas de témoin.

La pluie se faisait plus intense, une telle averse allait sans doute ralentir notre progression, car, qu’on soit sauvage ou non, de la boue reste de la boue. Mais au moins, elle apportait bien des avantages, comme étouffer le bruit des flèches par exemple. J’avais demandé à Taomi si on n’était proche du but. Comme réponse, je reçus une boule de boue sur le visage et avant que je puisse dire quelque chose, elle me fourra un de ses biscuits dégueulasse dans la bouche. Elle s’éloigna, je recrachais cette infâme nourriture, comment pouvait-on manger cela ? Moi, il n’y avait que la viande qui compté. Mais j’oubliai rapidement cette question de nourriture, pour me focaliser sur ce qu’elle venait de faire. J’étais à deux doigts de lui trancher sa jolie petite gorge pour son acte, elle venait de dépasser la limite de mon self-control. Mais quelque chose m’empêcha de faire ce geste fort réconfortant, si je le faisais, je pouvais dire adieu à mon argent. Je voyais déjà la petite bourse de pièce d’or prendre son envol avec des petites ailes et me filer entre les doigts. En tout cas, elle avait de la chance que j’ai besoin d’elle, si ce n’aurait été le cas, je pense que j’aurais pris un malin plaisir à la tourmenter lorsqu’elle était bêtement coincée dans son piège, surtout quand je vois son attitude à l’heure actuelle. Bref, elle ne perdait rien pour attendre.

On finit enfin par trouver leur camp, ou plutôt une caverne située non loin de leur camp. Comme me l’expliqua Taomi, elle s’était dirigée vers le plus proche abri de leur camp, anticipant le fait qu’ils se mettraient à l’abri à cause de la pluie. Elle souriait, fier de son exploit. Exploit ou non, ce n’était pas trop tôt. Alors que j’observais attentivement les lieux pour imaginer l’approche la plus discrète possible, un cri se fit entendre en provenance de la caverne. Je compris quand je vis que le serpent de la sauvageonne n’était plus autour de son cou, elle l’avait envoyé commencer le travail et par la même occasion, casser l’effet de surprise. Je rigolerais bien si son serpent se faisait trancher la tête par un de ces bandits, mais visiblement, ces derniers étaient des froussards. Plusieurs hommes surgirent de la caverne, alertés par les cris. Taomi voulait jouer à celui qui en tué le plus et parti, l’arc à la main, vers la caverne. Si cela l’amusé, tant mieux, moi je visais plutôt l’efficacité. Le nombre important d’ennemis devant l’entrée de la caverne me donna l’idée d’utiliser un de mes gadgets. Une de mes inventions, enfin plutôt une de mes idées et réalisée grâce à mon ami forgeronne. Il s’agissait un tube de métal, pas très imposant, rempli de poudre et de clou. Une mèche permettait de mettre le feu à la poudre. J’attachais donc le petit tube à une de mes flèches, protégea la mèche de la pluie et y mit le feu. Rapidement, je bandais mon arc, visant plus haut qu’habituellement pour contrer le poids du tube. La flèche finit par partir et quand elle passa au dessus des hommes, le contenu du tube explosa et envoya des clous dans toutes les directions. Les hommes justes sous l’explosion furent tués sur le coup et ceux un peu plus loin, gravement blessés au visage. Je rangeais mon arc et sorti ma dague pour achever les blessés. L’extérieur, devant la grotte, était nettoyé, il restait plus que l’intérieur, mais mon pressentiment me disait que la grotte risquait d’être grande et parsemée de nombreux couloirs.

Une fois à l’intérieur, celui-ci était illuminé par des torches que les bandits avaient installé. On progressa silencieusement dans les conduits de la caverne, quand, au détour d’un couloir, on tomba sur plusieurs hommes. Le combat s’engagea. Ces bandits étaient de piètres adversaires, à force de tuer des marchands ou de faire que des embuscades, ils ne savaient plus combattre au corps à corps. J’esquivais ou paré sans trop de difficulté leur coup, sans compter que leur longue épais tapaient régulièrement dans les parois de l’étroit couloir. Je n’avais pas ce problème avec ma petite dague, mes coups étaient rapides et précis. Une fois mes adversaires éliminés, je regardais Taomi finir les siens, elle se battait bien, je devais l’avouer. Il n’y a rien de tel que d’affronter la nature et ses bêtes sauvages pour affuter ses réflexes et sa rapidité.
Après cette petite et très brève escarmouche, on poursuivit notre route dans le tunnel jusqu’à débarquer dans une salle plus grande. Il y avait quelques tables de bois pour entreposer de la nourriture ou du butin. Surgit de nulle part, trois hommes armés. Durant le combat, j’appris que l’une des personnes que j’affrontais été ma cible, Jon le fou. Ce dernier s’était lancé seul sur ma personne tandis que ces deux gardes du corps s’étaient attaqués à Taomi. Je comprends mieux pourquoi il portait ce prénom, il fallait être fou pour s’attaquer seul à moi. Un coup de dague dans les côtes et il lâche son épée et c’est avec cette dernière que je lui tranchai la tête d’un seul coup. Contrat rempli.