Une ombre se faufila sur les toits, courant à vive allure sans émettre la moindre fatigue, le pas glissant sur le bois et la tuile, observée par la Lune en son croissant étincelant. Courant sur la poutre reliant deux bâtisses au-dessus d'une ruelle bondée, elle ne semblait pas être perceptible des simples mortels. Était-ce la Mort recherchant une âme à emmener en Enfer ou une âme damnée recherchant vengeance ?

Caché sous sa cape noire, l'être à la vitesse surnaturelle s'arrêta sur le rebord d'un toit. S'accroupissant, il scruta le bâtiment face à lui, une auberge assez riche au premier abord. Face à lui, une fenêtre grande ouverte avec la lumière des bougies permettant de voir son contenu. À l'intérieur, un homme, vêtu d'une toge verdâtre et argent, dialoguant avec une autre personne. Le ton semblait tendu, les deux personnes devaient être sur un désaccord assez poussé. Plissant le regard, l'être vêtu de noir jeta un coup d'œil tout autour de la taverne, regardant chaque détail pouvant lui permettant de rejoindre le toit de l'auberge.

Voyant une corniche menant à une autre fenêtre, l'ombre se déplaça rapidement, attentif à chacun de ses mouvements, à chacun de ses pas. Sautant de la corniche, il attrapa le rebord de bois et d'acier et ajusta ses appuis rapidement, mais, devant le bruit de la réception, un vieil homme sortit sa tête de la fenêtre et s'apprêta à hurler en voyant l'homme au regard froid et transperçant. Sans la moindre hésitation, l'homme en noir attrapa la langue dans la bouche du vieillard de sa main droite, le faisant sortir un peu plus de la fenêtre avant de claquer sur le haut de son crâne un coup sec de matraque, plongeant sa victime dans l'inconscience. La main toujours dans la bouche, l'ombre retint la descente de sa victime dans sa chambre afin de faire moins de bruit avant de continuer sa progression vers la chambre qu'il avait vu en premier, rangeant sa matraque, progressant sans le moindre bruit, atteignant le rebord de la fenêtre sans le moindre mal. Jetant un coin d'œil rapide et discret à l'intérieur, l'homme entra dans la pièce. La lumière l'éblouissant, il éteignit les bougies avant d'observer le contenu de la pièce, son œil droit d'un couleur verte s'intensifia sans la moindre raison, analysant la pièce et augmentant sa perception visuelle. Rien de magique autour de lui, juste des objets à prendre comme un gobelet en argent ou des couteaux de bonne facture. Mais ce qui avait plus de valeurs que l'argent pour l'homme n'était pas dans cette pièce, pas encore.

Des bruits de pas se firent entendre dans le couloir, approchant à un rythme régulier... Un homme approchant, parlant seul. Mais ce qui avait plus de valeurs que l'argent pour l'homme n'était pas dans cette pièce, pas encore. L'homme entra, surprit par l'obscurité qui régnait dans la pièce. Approchant d'un chandelier, l'inconnu résidant dans la pièce s'apprêta à l'allumer lorsque le voleur, d'un geste lent poussa doucement la porte qui se referma, rejoignant l'encadrement. Le résidant, sentant la peur le tenir entre ses mains froides, se retourna d'un coup et, voyant la silhouette d'un homme à la cape et à l'armure de cuir noire, s'apprêta à hurler de stupeur lorsque le voleur prononça d'une voix grave et ferme :

_ Mae'r gwactod amsugno pob sŵn!

Traduction:

Ses mains grandes ouvertes se retrouvèrent entourées d'une brume presque invisible qui se répandit dans toute la pièce. Les bruits de pas s'atténuèrent rapidement alors que le chandelier, poussé d'un revers de main de la table, tomba sur le sol de bois sans le moindre son. L'homme à la toge verte exprima une expression faciale emplit d'effroi et de terreur, sa bouche grande ouverte n'émettant aucun son de sa gorge.

Légèrement secoué par l'utilisation de sa magie, le voleur sortit de son dos une lame d'acier à l'aspect serpentine, approchant d'un regard froid vers l'homme qui porta sa main à la gorge et tenta de faire du bruit en faisant tomber des objets sur le sol et les murs.

_ Tout est vain, seule la Mort vous entendra...

Ce fut les seules paroles que le maître-voleur annonça et les dernières que l'homme entendit avant de sentir dans sa gorge le froid de l'acier lorsque l'assassin plongea sur sa proie comme un faucon tombant sur un rongeur. Le poignard découpa la chaire avec une aisance certaine, répandant sur la lame, la garde et le sol un ruisseau de sang qui s'écoula sur la robe lorsque le meurtrier retira la lame d'un mouvement rapide et sec avant de le ranger dans son fourreau.
Délaissant avec un certain regret les nombreux objets de valeur dans son dos, le lever de soleil se faisant pressant, le maître-assassin sauta par la fenêtre, s'agrippant aux rebords de la fenêtre pour ensuite s'enfuir sur les toits de la même manière que pour l'aller, avant de finir dans une ruelle sombre, au bord d'un vieux port. Là, un vieil homme à l'allure fière malgré sa tenue simple attendait. L'assassin, sortant de l'ombre, à peine essoufflé, sa longue cape noire couvrant son corps fin et agile.

_ Est-ce fait ? Demanda l'homme d'une voix roque.

Le meurtrier, peu loquace, n'émit qu'un simple signe de tête, de haut en bas. Un sourire s'afficha sur le visage du vieillard qui sortit de sa tunique une lourde bourse remplie de pièce.

_ J'ai eu raison de vous confier cette tâche, Allan Furya. Votre talent n'égale que votre réputation... Voici votre récompense !

Lançant la bourse vers Allan qui l'attrapa d'une main, la soupesant.

_ Le compte y est ? Interroge l'homme aux yeux transperçant et froid.

_ O-oui oui ! Répondit hâtivement en avalant avec difficulté. Je ne tiens pas à me faire traquer par vous à cause de ma mauvaise foi...

Riant nerveusement, l'homme s'épongea le front en regardant le soleil se lever de l'horizon.

_ Si ça vous intéresse, j'aurais de nouveau besoin de vos services pour...

_ Navré, mais j'ai un autre contrat en cours, interrompu Allan en rangeant la bourse sous sa cape.

Se tournant vers l'assassin, le vieil homme ne s'attendit pas à un refus et encore moins à recevoir dans le ventre une lame d'acier empoisonnée. Le geste fut rapide et efficace. La douleur se propagea dans le corps de l'homme qui lança un regard interrogateur vers l'assassin qui retira la lame.

_ Le contrat avait été payé d'avance... Par l'homme que vous m'avez envoyé tuer.

Apeuré, le vieil homme mourut rapidement, dupé par le meurtrier qui, souriant, se retourna et disparut dans la sombre ruelle, disant d'une voix sombre et amusée :

_ Voilà une affaire rondement menée !