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" Lucartë Lumisia "
Lucartë Lumisia
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Au diapason de ce cœur de basalte

MessageSujet: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Dim 29 Sep - 22:30
Ève est une personne bien étrange.

A la fin de notre aventure à Asunia, elle m'avait fait part de son désir de me suivre. Un vœu auquel je n'avais pu qu'accéder, et en fait, je remerciais les cieux d'Asgard qu'elle l'eût formulé. Ne venez pas vous moquer de moi : si on m'avait dit, au moment où j'étais entrée au Dragon Vert et où je m'étais assise à sa table, que je finirais par ne plus pouvoir marcher ailleurs que dans ses traces, j'aurais tout simplement éclaté de rire. C'était avant d'apercevoir son aura, avant de voir qui elle était vraiment. Malgré tout, elle était une femme et bien que la demie-naine semblait n'avoir aucun mal à s'afficher avec moi, j'avais des réserves quant à ses marques d'affection.
Et pourtant... et pourtant...

Lorsque je lui tournais le dos, son visage m'apparaissait comme peint à l'aquarelle par la main douée de ma mémoire. Lorsque je repoussais ses doigts avides de caresse avec un sourire amusé, je les étreignais brièvement. Je refusais de croire que c'était de l'amour; le jour ; mais à la lumière froide de la lune, lorsque nous campions sur le bord des chemins poussiéreux, je me retournais pour pouvoir poser mes yeux sur sa silhouette. Mon cœur était plein de contradictions à son égard, des contradictions que je ne parvenais pas à m'expliquer.

Alors, je faisais comme souvent lorsque mon âme était en proie à l'indécision : je laissais faire les choses, et advienne que pourra.

J'avais entendu parler d'un homme du désert, dans la région de Hagor, qui aurait mis la main sur une lampe extraordinaire : il vous suffisait de la frotter, disait la rumeur, pour qu'un miracle se produise. Pour une Skalde telle que moi, l'histoire elle-même avait un goût savoureux, mais surtout je faisais là le rapprochement possible avec l'objet divin. Bien des rumeurs affluaient sur les chemins, toutefois un fond de vérité était toujours possible. Il nous fallait vérifier cette fable : nous n'avions simplement pas le choix. C'est ainsi que nous nous étions mises en route pour Tubalcain, avec dans l'idée d'y prendre un dirigeable afin de rejoindre les terres arides de l'Est. L'idée de la traversée d'un océan de sable n'avait rien d'enchanteresse, et il suffisait de poser les yeux sur Adèle pour voir qu'un tel périple, même par la voie des airs, n'aurait rien d'une sinécure.

Je n'avais pas (encore) trop harcelé Ève sur son passé, mais je comptais bien y remédier à notre arrivée dans la cité des Nains. La forgeronne était de leur sang, et elle parlait leur langue sans difficulté aucune : bien qu'à moitié seulement de cette race, c'était parmi elle qu'elle avait grandi. Au Monastère, ce qui n'était certes pas le même environnement qu'à Tubalcain, mais j'étais tout de même curieuse de la voir agir parmi ses semblables.

Ève...


Il y avait une grande douceur et, devinais-je, une grande dureté derrière le bleu marin de ses yeux. Je n'oublierai jamais cette nuit où elle s'était dressée contre le lycanthrope, cuirassée et armée d'un grand marteau, criant dans la langue rocailleuse de son peuple telle l'égide nocturne de quelque temple oublié. Je ne lui avais encore rien dit sur la nature exacte de ma magie, ayant jusque là évité toute discussion à mon sujet (bien qu'elle n'était pas idiote et avait probablement des théories sur mon don).
En fait, à chaque jour qui passait tandis que nous arpentions les chemins, je me trouvais de nouvelles interrogations que je me retenais de lui soumettre ; et prenais conscience de tout ce que je ne disais pas, comme autant de chaînes me retenant, m'empêchant de... m'empêchant de je ne savais pas trop quoi. Mais ces non-dits se dressaient entre elle et moi, mur que je répugnais à abattre et qui pourtant, un jour, devra être mis à bas.

D'ici là, j'avais bien le temps de la taquiner quelque peu. J'avais une nette tendance à fourrer mon nez dans ses affaires (et ce n'était pas une métaphore), faisant intervenir mon total manque d'organisation dans le rangement précis de ses outils. Avant ça, je prenais soin de m'attirer les bonnes grâces d'Adèle avec force caresses et sucreries (quitte à jouer les insupportables, autant le faire bien). J'aimais à me faire pardonner par un éclat de rire chaleureux et un tour de passe-passe comme j'avais finis par en prendre l'habitude. Curieux comme Ève devenait peu à peu le seul public qui m'intéressait réellement, là où autrefois j'avais rêvé de charmer Rune Midgard toute entière.

C'en était... troublant. Si j'accompagnais la demie-naine, n'était-ce pas que pour pouvoir conter ses épopées plus tard ? N'était-elle pas qu'un moyen ? Alors... alors pourquoi, de plus en plus, considérais-je que l'accompagner devenait une fin...


« On dit qu'il y a tant de fer et de charbon dans la fumée autour de Tubalcain, qu'un Ase pourrait se servir du brouillard pour forger une épée » fis-je rêveusement à voix haute tandis que nous arrivions en vue de la cité.

Elle apparaissait trapue et courtaude mais donnant une impression massive la faisant paraître plus grande. Je savais qu'elle se prolongeait plus bas que haut, abritant ses trésors véritables à l'abri du soleil. Tubalcain... là où la pierre devenait feu, là où le roi-forgeron du peuple d’Ève était en quête de la mythique Aulë, disait la rumeur ; les plus belles merveilles de l'artisanat se trouvaient ici et nulle part ailleurs.


« On en profitera pour jeter un œil aux boutiques, hein ? »

J'avais dit ça avec l'air de sucer un bonbon, coulant un regard en coin à ma compagne. Une seconde plus tard un large sourire ourlait mes lèvres sombres. Ma faim de l'or et des jolies choses pouvaient mettre un souverain sur la paille.


***
La ville me faisait un peu penser à la forgeronne à mes côtés, en ceci qu'elle m'attirait et me repoussait à la fois. Les Nains d'ici avaient l'air fermé, vifs à vous apercevoir, vous l'étrangère ; je sentais dans leurs yeux une froideur méfiante que peu de choses pouvaient effacer. Mais en même temps... comment leur en vouloir ? La roche ressemblait à de la dentelle ici, une dentelle de titan : elle courait partout comme un serpent vivant, plaquée d'or, et de bronze et d'argent, de métal ciselé avec la douceur d'un enfant et le savoir-faire d'un maître ; leur ville était une merveille architecturale qui perdurerait bien après les montagnes, quoique nimbée du souffle de suie des mines. Une musique singulière l'animait, où le marteau frappait l'enclume, où le fer était porté à blanc, où l'eau s'évaporait au contact de l'acier ardent. Partout mon nez était agressé, et partout mes yeux se réjouissaient. J'ignorais à quel point Ève était familière de ce que je voyais ici, et j'avais envie de lui prendre la main pour lui signifier mon admiration des siens ; mais je n'osais pas.

« Voilà le plan : on visite les forges (promis, je ne volerai rien), les sources chaudes du niveau inférieur, on se trouve une auberge et on prend le dirigeable demain au point du jour. Ou de... de ce qui passe au travers de cette satanée fumée » grommelai-je.

J'avais prononcé ce discours d'une voix péremptoire, mais Ève devait savoir à présent que mes lignes de conduite étaient d'une extraordinaire souplesse. L'ordre des choses à faire était loin d'être immuable. Je lui adressais alors un sourire d'une rare tendresse, le premier depuis que nous nous étions rencontrées.
Il fallait me laisser du temps, m'apprivoiser, et la chose ne serait pas facile ; mais elle demeurait possible.

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" Ève Errin "
Ève Errin
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Lun 30 Sep - 8:19
Une douce chaleur irradiait de tout mon corps, de tout mon être, dans l’obscurité calme qui m’entourait ; je sommeillais en toute tranquillité, sentant sa poitrine se soulever avec régularité, souffle récurant et ô combien apaisant de Lucarte, la belle, la superbe, celle dont les superlatifs me manquaient pour la décrire. Il se faisait maintenant un certain temps que je n’avais mis à jour ce journal, les poussiéreux voies et chemins coupant toute motivation d’y consigner ici nos dernières péripéties dans les moindres détails, comme j’en avais eu l’habitude de faire les jours précédant et suivant, pour certains, ma rencontre avec elle ; nul besoin désormais de préciser de qui il s’agissait, puisque toutes mes pensées m’y ramenaient, et que, dans tous les cas, ces mots ne m’étaient destinés qu’à moi-même, et peut-être plus tard, bien plus tard, à un proche. Les années auraient filé et les aventures d’hier seraient devenus les souvenirs d’aujourd’hui, lointains mais plein de joies ; mais le sujet n’était pas à penser à l’avenir, encore moins à un songe aussi lointain. Certes, je m’étais surprise à songer aux moult individus de mon peuple que j’allais revoir prochainement, inconnus mais si proches, membres de ma race que j’avais un temps fui mais qui me tardai de rencontrer à nouveau, ou encore de la prochaine baignade que je pourrais m’offrir, mais jamais de plusieurs décennies en avant ; ceux-ci restaient, pour moi, des idées à éviter, et je préférais d’avantage me satisfaire du corps de Lucartë que je m’appliquais à réchauffer de ma peau volontairement brûlante – elle était tout le temps tiède, et c’en était un délice que de sentir ce contraste cutané si agréable – que de préparer des plans pour mes vieux jours.
 
Le matelas – si on pouvait appeler cette espèce de planche à clous ainsi – était aussi dur que la terre tassée sur lequel la toile de la tente reposait, aplani par le poids ne nos deux corps ramassés l’un sur l’autre par manque de place ; ma toile, la seule et l’unique pour nous deux – Adèle dormait dehors, comme à son habitude – et je devais bien avouer que je n’en avais cure, ou plutôt si : elle nous obligeait à dormir à moitié empilées, et les dieux savaient que cela ne pouvait que me réjouir. Et malgré que le voyage depuis la capitale se fasse rude et long, jamais je n’avais été aussi heureuse que dans ces instants, dans ces journées au soleil de plomb dans l’après-midi et aux nuits froides ou nous ne faisions que marcher, manger et boire. Enfin, elle buvait à flot, tout comme l’ourse, mais ma régulation de température m’offrait la possibilité de me sentir bien au frais ; et nous voyagions  léger, l’essentiels des biens matériels sur ma petite sœur qui ne s’en plaignait jamais, les bras et jambes nues pour ma part, et je refusais de croire que c’était uniquement pour cette raison que la belle se mouvait si proche de moi.
 
Pour la première fois depuis quelques temps dans ma vie, les choses étaient simples, évidentes, et je me surpris à remarquer que cet état m’avait manqué, et que il était des plus plaisant de ne plus à avoir à s’occuper d’élucubrations sentimentales en tous sens ; certes, notre relation demeurait toujours, et ce pour un certain temps, incertaine, indécise dirais-je, car si j’avais, moi, omis l’idée que nous étions du même sexe, ce genre d’interrogations étant occultées par la radieuse beauté de la jeune femme, il n’en était pas moins pour Lucartë qui, visiblement en proie au doute à tout instant, repoussait avec une certaine douceur mais une assurée fermeté, mes quelques avances – je n’allais de toute manière trop loin sur ce terrain glissant, de peur de la forcer- que je lui offrais. Et comme toute personne sensée aurait fait, dans une majorité des situations et plus encore dans ce genre de cas, nous laissions passer le temps, sans se poser trop de questions inutiles, en profitant de notre petite bulle idyllique que nous formions toutes deux ; les non-dits et mystères étaient grands, sur nous deux, et cela n’avait, au final, aucune importance. Elle ne connaissait que mes origines et je n’avais même pas ouï de sa terre natale.
 
Nous étions donc en route vers Tubalcain, la grande, la noble, que j’affectionnais particulièrement, à l’inverse de mes parents qui réfutaient la majorité de l’autorité de la capitale, tout comme beaucoup des Nains de Duncaïn, tous terrés au fond de leurs forteresses, réfutant les ordres du pouvoir ; et la seule, l’unique raison qui aurait pu les pousser, nous pousser, à quitter notre patrie et se ranger des côtés des autres gens du petit peuple, et de prêter un fer de lance pour la cause de la cité mère. C’était là le cas du Monastère et alentour, pour la plupart, mais beaucoup n’hésitaient pas à exiger un paiement, et d’autres, plus fourbes encore, se laissaient engager comme mercenaires chez l’ennemi ; et j’osais espérer, croire même, que nul de ma cité n’avait osé commettre ce type d’affront. Et, pour être honnête, malgré toute la bravoure qui nous était prêtée, aucun d’entre nous n’aurait souhaité de son plein gré croiser le fer contre l’armée de Tubalcaïn, même en outrepassant toute forme d’éthique, car peu nombreux étaient ceux qui ne tremblaient pas devant les dirigeables et armes modernes de ceux-ci.
 
Les silhouettes fantomatiques des biscornus bâtiments, occultés par le quotidien brouillard pollué qui entourait les murailles et ce qu’elles enfermaient, si bien qu’elles semblaient, dans leur chape pâle, irréelles, tel un mirage sous le soleil doré et tiède qui nous surplombait, et après un tel voyage, il ne m’aurait étonné qu’elle en soit un. Mais elle s’avérait bien réelle, et nous pénétrâmes sans difficultés en son enceinte tandis que les gardes nous jaugeaient du regard, appréciant mon attirail et mon armement et lançant un regard plus méfiant à Lucartë ; cependant, ils n’en firent rien, car les étrangers, ici, étaient de monnaie courante, et contribuaient au développement commercial des lieux, pour la plupart. Et malgré l’air vicié, la brume à moitié toxique et la pollution, c’était ici que je me sentais dans mon élément ; malgré l’absence de neige et de montagnes, l’architecture qui m’entourait, l’ambiance générale qui enveloppait, tel le froid prenant place dans une cité, givrant les vitres et personnifiant nos souffles dans de petits nuages volatiles, me plaisait, car tout en Tubalcain résonnait pour la forge et les armes, le métal et la pierre, les Nains et la guerre, et, grâce à mon armure, mes outils, mes armes, les autochtones, d’un regard, m’avaient rangé parmi les leurs, ce que j’étais. Car nul ne forgeait comme un des fiers représentants du petit Peuple.
 
«  On en profitera pour jeter un œil aux boutiques, hein ? » 
 
 
Je souris ; elle ne changerait probablement donc jamais ; et de toute manière je l’aimais trop pour le lui refuser. J’escomptais, quoi qu’il en était, reprendre mes activités et me trouver un étal dans un quelconque marché pour aujourd’hui, si j’en avais le temps, ou au moins à Hagor, notre destination prochaine ; mais il restait une chose dont j’étais bien forcée de faire ici : mes stocks d’acier s’épuisaient – je n’en emportais que  peu avec moi, pour ne pas m’encombrer – et il me fallait me fournir, pour vendre des armes déjà préparées, simples et tranchantes, au client, à la minute où il les demandait, et également pour avoir la possibilité d’effectuer diverses commandes, plus complexes.
 
Bien sûr !
 
« Voilà le plan : on visite les forges (promis, je ne volerai rien), les sources chaudes du niveau inférieur, on se trouve une auberge et on prend le dirigeable demain au point du jour. Ou de... de ce qui passe au travers de cette satanée fumée. »
 
A nouveau, elle me fit sourire ; elle en était naïve dans son sens des horaires et de l’orientation, et de toute manière, le simple fait de l’apercevoir me semblait une suffisante raison.
 
Avant cela, je dois filer chercher de l’acier, mes stocks s’épuisent. Je te laisse visiter un peu la ville avec Adèle ; ne t’inquiète pas, je vous retrouverai, tant que tu restes avec elle
 
J’aurais volontiers emporté ma sœur avec moi, mais si elle n’accompagnait pas la belle, il fallait que j’établisse un rendez-vous, mais je n’en avais pas envie. Je plantai un rapide et brûlant – à l’image de ma peau, naturellement- baiser sur ses lèvres avant de filer d’un pas rapide, pour mon bon plaisir et également pour la taquiner un peu, elle aussi ; je savais qu’elle ne tenait pas à nous afficher en public, et que cela allait probablement nous apporter quelques regards obliques des passants honnêtes, mais qu’à cela ne tienne.
 
Ce genre de commerçants n’étaient pas des plus ardus à trouver, et encore moins dans une ville comme celle-ci, ou les forgerons se trouvaient à tous les coins de rue et où il fallait bien quelqu’un pour les fournir en matériel ; et en effet, je ne tardai pas à en dénicher un, ou j’emportai pour pas grand-chose tout un tas d’acier brut, que je fus bien obligée de porter, et malgré que tout cela ne m’avait pris beaucoup de temps, le retour en fut bien allongé, mon rythme étant considérablement ralenti. Cependant, quelque chose me figea sur place à l’ instant où je m’en rendis compte, quelque chose manquait, quelque chose d’important, de très important. Mon journal avait disparu*. Cadeau de ma sœur, témoin de mon histoire, et de ma rencontre avec Lucartë, témoins de mes plus terribles malheurs comme de mes intenses joies, je ne pouvais me permettre de l’égarer ; et pourtant, il n’était plus sur moi. Je me concentrai sur ma promesse de revenir bientôt à la belle, et me dépêchai de la rejoindre, et de poser à ses pieds le lourd métal, l’ayant localisée en demandant leur position à ma sœur. Aucun doute que mon visage était blême et stressé, et que j’avais l’air mal en point.
 
L… Lucartë… J’ai… Je… J’ai perdu un objet qui m’est cher et… Enfin, je l’avais en arrivant, et… Je crois l’avoir égaré en allant acheter du minerai, et je comptais faire le trajet inverse pour le… Le retrouver, et…
 
Je me calmai un instant, épuisée par ma course et par l’émotion.
 
Je… Cela ressemble à un petit carnet, et…
 
Je m’interrompis à la vue de son visage ; elle en savait quelque chose, à mon soulagement.
 
 
 
 
 

*Eve écrit cela bien sûr à posteriori, mais respecte la chronologie.

Héhé:
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mar 1 Oct - 8:16
Il y a des moments où vous sentez que ce que vous allez faire n'est pas forcément... bien.

J'avais une morale des plus élastiques, ressemblant davantage à une sorte d'individualisme forcené empreint d'une vague éthique plutôt qu'autre chose. Mais lorsque je ramassais le livre qu'eve avait laissé tomber, effleurant du bout des doigts sa reliure de cuir... je me dis que j'allais mettre les pieds dans un endroit qui m'était peut-être défendu.

Elle avait déjà disparu dans la foule de ses semblables, silhouette armurée à la démarche vive se fondant dans la masse du petit Peuple. Je reportais mon attention sur l'ouvrage, sentant le regard d'Adèle posé sur moi. Cela me mettait curieusement mal à l'aise, comme si l'ourse était en train de me jauger et de se demander si j'étais digne de lire ce qui était inscrit entre ces pages.
Quelques jours plus tôt, j'aurai haussé les épaules en me demandant de quel droit un stupide animal pouvait bien me juger. Mais aujourd'hui, je sentais bien que le plantigrade était doué d'une rare intelligence, et un lien qui m'était incompréhensible, voire hermétique, existait entre elle et la forgeronne. Cela lui donnait à mes yeux une importance que j'avais du mal à accepter, mais que je n'aurai pu renier.

Je pris une profonde inspiration et me détournais de ma silencieuse camarade, pressant l'innocent bouquin contre moi. Il recélait quelque chose, j'en avais une certitude croissante... quelque chose que je voulais savoir. Mais je ne pouvais pas le lire, pas ici ni maintenant ; alors je m'éloignais d'un pas rapide, presque en courant, me dirigeant en faisant confiance au hasard. Ma fuite, car c'en était une, me mena jusqu'à l'entrée de cavernes creusées au flanc de ce qui ressemblait à une crête rocheuse à l'intérieur de la cité, peut-être une ouverture vers des niveaux inférieurs. Je m'y engouffrais, ressentant la soudaine pénombre comme le voile qui m'autorisait à lire les secrets du livre sans que quiconque n'en sache jamais rien.



C'était un sentiment idiot, mais c'était le mien. Ces grottes artificielles paraissaient désertes, pour une raison qui m'était obscure, et j'avais probablement semé Adèle dans la foule. Poussant un soupir mi-soulagé mi-tendu, je m'assis sur un rocher et pinçais la couverture entre mes doigts.
Je pouvais sentir bourdonner à mes oreilles ma propre dévorante curiosité, à la façon d'une abeille impatiente. Sans plus attendre, j'ouvris le manuscrit et levais la main pour en faire jaillir une flamme grondante. Le feu que je produisais n'avait rien de chaleureux, et c'est dans sa lumière glacée que je décryptais l'écriture fine d’Ève Errin, fille du Monastère et forgeronne des Nains.

Sauf la première page. Elle, elle était frappée d'une calligraphie enfantine, celle d'une petite fille qui dédiait ce présent à sa sœur. L'hommage était signé du nom d'Adélaïde. Adélaïde, abrégé Adèle, comme l'ourse de la propriétaire de ce journal. Coïncidence ?
Une Skalde telle que moi n'y croyait pas.

Je lu, et je lu encore, dans l'éclat froid de ma magie. Mes yeux de corbeau décortiquaient chaque lettre, analysaient chaque courbe, voyaient au-delà du mot la réalité passée qui était ici évoquée. Je vis ces petites filles jouer dans la neige, jour après jour, insouciantes et heureuses. Je vis la buée de leur respiration dans le souffle de l'hiver et la buée des larmes dans les gemmes turquoises de l'aînée. Je vis le rouge des joues cinglées par le vent du nord et le rouge du sang sur la pierre gelée. Je vis la détresse, je vis ce qui n'avait jamais été dit. Je vis la souffrance qui se terrait dans l'âme de deux sœurs s'aimant au-delà des mots et pour lesquelles l'humanité était devenue une barrière.

Au creux de ma paume, la flamme devint plus sombre.

Mon propre cœur se recroquevillait devant la tragédie que je découvrais. Ce n'était pas de la frayeur ou de la désapprobation, c'était de la compassion. Pour cette demie-naine qui hantait désormais mes pensées... De la compassion, moi ? J'eus un sourire désabusé. Je m'étais crue en-dessous d'une telle émotion, ou du moins en-dessous de toute la sincérité que j'insufflais dedans.

Peut-être n'étais-je pas définitivement irrécupérable.

Minute après minute, les mois puis les années de l'existence d’Ève défilèrent sous mon regard avide aux reflets d'ambre. Je réprimais un hoquet lorsque le passé commença à rattraper le présent et où je vis notre rencontre derrière la plume de l'artisane.


«  Elle... » soufflai-je à mi-voix.

A ce stade, je ne me posais plus la question de savoir si j'étais ou non digne des confidences que je recevais, à l'insu de leur auteure. Je découvris ses désirs, ses tentations et ses frustrations, ses propres interdictions. Je découvris l'ampleur d'un sentiment que j'avais cru profond et qui semblait abyssal, à la limite de l'infini, avoué dans la franchise la plus totale au vélin de ce livre. L'incroyable intensité de son amour, car cela ne faisait désormais plus aucun doute, n'avait d'égale que sa volonté de rester digne et équitable envers moi...
Ma gorge se serra. Je doutais qu'un seul être en ce monde ai jamais eu, au-delà de son adoration, une telle bienveillance pour ma personne. On peut désirer, convoiter, sans pour autant faire preuve de bonté. Celle d’Ève dépassait des firmaments que j'avais pensé illusoires. Elle me prenait pour une sorte d'ange.

Elle ignorait que ces révélations montraient qu'elle en était une elle-même, bien plus que je ne le serais jamais.

Je caressais de l'index certains des mots que ma compagne avait écrits, comme pour mieux les goûter. Mon influence sur son âme était dévastatrice. Mon... mon pouvoir...
Non. Ce n'était pas mon pouvoir charmeur. C'était autre chose, de terriblement plus fort, de terriblement plus prégnant - voire oppressant. C'était la destinée.


J'arrivais au dernier mot et refermais brutalement le livre en éteignant la flamme de ma magie, mes yeux fermés levés vers le plafond enténébré. Je sentais monter en moi une vague irrépressible, une sorte de lame de fond incontrôlable et que je ne saurais précisément décrire. C'était comme si une part de mon être avait été déchaînée par cette lecture, et qu'elle se mettait brutalement à s'agiter. Cette image faisait naître une vague panique dans mon cœur, accompagnée par une exaltation jusque là inconnue.

J'avais envie de crier, de crier comme un aigle surplombant la vallée. Mais l'heure n'était pas propice, sans que je puisse expliquer pourquoi ; alors je me contins, et rouvris les paupières.
Je croisais les yeux impénétrables d'Adèle.

Ce que je fis, à cet instant, fut probablement le geste le plus spontané que j'eusse exécuté à son encontre depuis que nous nous connaissions. Je pris sa grosse tête entre mes mains et l'attirais contre ma poitrine, mon nez enfoui dans la fourrure de sa nuque épaisse, mes doigts crispés entre ses poils drus.


« Ne me laisse jamais lui faire du mal » chuchotai-je. « Vous ne savez rien encore de moi, alors que j'ai lu son journal. Mange-moi le cœur plutôt que de me laisser la détruire. »

Elle comprit mes paroles, sans aucun doute. D'un revers de manche, j'essuyais le flou humide de mes yeux et reniflais un bon coup. L'instant d'après, je marchais vers la lumière du jour, résolue plus que jamais à vaincre ma malédiction.

Ève me retrouva presque aussitôt, les traits soucieux voire défaits. Un tas de métal me tomba devant les pieds avant qu'elle ne me presse d'un ton alarmé. Au sujet du journal, évidemment.


« J'imagine que tu veux parler de ça ? » ironisai-je en levant l'ouvrage.

Je le plaquais contre sa poitrine, rivant mes iris dorés aux siens comme on peut enfoncer un clou dans un cercueil. Mon visage se durcit, et une expression implacable l'ombragea. Je pris un ton orageux, là où elle aurait été en droit, elle, de m'en vouloir ;


« Je l'ai lu. Aujourd'hui, au fond d'une caverne et sans même être présente, tu as ravivé mon espoir d'une... rédemption. D'une délivrance. Tu as ranimé mon espérance, Ève Errin du Monastère ; mon espérance de me libérer. Deviens le héros de mes légendes et sauve-moi. Je te fais confiance. »

L'émotion brisa la glace que je mettais dans mes paroles, et c'est avec difficulté que je finis mon discours, qui se fit presque implorant, passant ma main entre ses boucles auburn et me moquant bien du fait qu'on pouvait nous voir :

« Ne brise pas cette confiance... Tu me détruirais jusqu'à l'âme. »
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mer 2 Oct - 1:42
Thème~

Les mots, les phrases, les idées et concepts s’enchainaient, ici, sur ces pages blanches, avides d’histoires, d’épopées qui n’attendaient que d’être vécues, et l’encre qui n’attendait que mon simple signal pour s’écouler d’un seul trait, du moment où je posais la plume jusqu’à l’instant ou j’allais la soulever, une ou deux heures plus tard, exaltée, exténuée, satisfaite, et je refusais que quiconque m’extirpe de cette tâche, de cette fin, de cet objectif de conserver tout ce que la belle contait avec tant de talent sur un morceau de papier qui était rapidement devenu un moyen, la finalité s’étant voilée derrière une horizon heureuse, et à travers laquelle je n’avais plus besoin de regarder. Plus jamais, tant qu’elle demeurât à mes côtés, tant qu’elle était là, et que sa présence, irradiant de beauté, d’intelligence, d’amour, m’éclairait de sa divine lumière, et tant qu’elle était là, alors, je pouvais vivre, m’enfoncer dans les méandres de la vie sans me soucier du courant temporel qui m’entraînait, pour tout simplement profiter de sa personne, et que la joie s’écoule plus vite que le temps, plus vite que je pouvais même jamais l’espérer. Car à l’instant même où je l’avais aperçu,  dans cette taverne, qui me semblait si obscure désormais, si lointaine, j’avais su, comme si depuis toujours, c’était le cas, et que sa vue ne m’avait fait que me remettre en mémoire que c’était elle ; que c’était elle qui, j’osais le croire, de toute ma foi, que c’était elle que les Dieux m’avaient destiné, vers elle qu’ils m’avaient dirigés. Jamais auparavant n’avais-je impliqué une dimension pieuse à notre relation, pourtant désormais, elle m’apparaissait telle une évidence, et sans honte, je l’affirmais. Sans honte, je le criais haut et fort, car j’en étais certaine. Cette certitude découlait naturellement, et l’on ne pouvait la nier lorsqu’on l’apercevait ; et comme certains n’osaient représenter les divinités en une incarnation physique, je n’osais plus la décrire, de peur de briser de mes doigts tâchés d’encres, si malhabiles à exprimer mes idées parfois, la perfection qu’elle personnifiait à mes yeux.
 
Dans cette caverne, ou plutôt devant, lieu auquel je n’avais aucunement prêté attention, trop emportée par la crainte d’avoir perdu le récit de notre rencontre qui, malgré que je ne l’aurais jamais oubliée, m’était si cher, la lumière brillait sur nous deux, dorant ses cheveux sombres, comme si les dieux voulaient me convaincre que j’avais raison d’être tombée amoureuse d’elle ; et le mot était faible, si faible, que j’en avais honte de l’écrire.
 
Oui, elle avait lu mon journal, cet écrit sacré dans lequel nul n’était censé avoir l’autorisation de violer mon intimité de leurs intentions malsaines ; deux semaines plus tôt j’aurais été animée d’une sombre haine, violente, comme l’on ne devrait jamais en ressentir, mais également d’une profonde honte, honte de me trouver ainsi à nu devant quiconque, toute facette de mon être dévoilée à quelqu’un. Mais désormais, je m’en réjouissais ; car si une personne devait pouvoir sonder mon âme, la fouiller et la retourner en tous sens pour saisir le moindre détail de ma vie, de tout mon être, de mes sentiments, de ma psychologie, c’était bien elle. Qui d’autre ? Qui d’autre l’aurait pu ? Elle pouvait ainsi comprendre une infime partie de l’estime, de l’amour que je lui portais, et que je lui porterais toujours. Et si tous ces mots pouvaient vous sembler redonda            nt, superflus et exagérés, il n’en était rien. Car c’était ma vision des choses, celle qui m’était propre et celle que je ressentais réellement. Mais revenons-en à la chronologie ; le cours des événements avaient dépassé la chronologie que je m’obligeais à respecter, pas à pas, scrupuleusement, dans ces pages.
 
« J'imagine que tu veux parler de ça ? »
 
 
 
 
Sur le moment, il était probable que je fusse soulagée que mon ouvrage ne soit perdu à jamais dans une des rues pavées de la capitale, ramassé par un passant et jeté n’importe où ; cependant, je n’eus réellement le temps de songer à ce genre de choses. Car le fait que c’était bien elle qui le possédait, ici, en disait long. Elle plaqua la couverture sombre sur ma poitrine.
 
« Je l'ai lu. Aujourd'hui, au fond d'une caverne et sans même être présente, tu as ravivé mon espoir d'une... rédemption. D'une délivrance. Tu as ranimé mon espérance, Ève Errin du Monastère ; mon espérance de me libérer. Deviens le héros de mes légendes et sauve-moi. Je te fais confiance. » 
 
Les mots… N’étaient jamais suffisants avec elle, n’étaient jamais assez beaux pour décrire les péripéties que je vivais avec Lucartë. Elle représentait ma vie, lui avait donné un sens par un unique regard, et un seul de ses sourires avaient suffi pour me traverser de part en part. Un seul de ses baisers pour me rendre plus heureuse que personne, et pour me faire oublier le reste du monde, le temps et tout autour. Il me suffit d’une déclaration pour… Pour me bouleverser, changer ma vie à jamais, encore d’avantage qu’elle ne l’avait fait auparavant, et brouiller mes idées, ma tête, mon esprit, pour qu’elle devienne l’unique personne qui comptait et qui n’eut jamais compté. Si bien que je n’osais troubler le silence de paroles impures, que j’aurais regrettées pour d’autres plus tard, et me sentir si piteuse devant ce que j’aurais fait pour gâcher un tel instant. Je ne me le serais jamais pardonnée.
 
« Ne brise pas cette confiance... Tu me détruirais jusqu'à l'âme. »
 
 
Pour toute réponse, je plaçai mes mains dans son dos pour l’attirer vers moi avec force, et nous unîmes nos lèvres pour un baiser ; le premier qui comptait vraiment, qui signifiât quelque chose. Celui qui rendait à tout jamais ma vie merveilleuse, passée aux côtés de celle que j’aimais. Et qu’à cela ne tienne s’il nous avait fallu à toutes deux une preuve de notre amour respectif. Le résultat était là. Je ne la lâcherais plus jamais. En cet instant, c’était plus que de la vulgaire euphorie. C’était l’accomplissement de deux destins, liés à jamais.
 

J’eus toutes les peines du monde à me séparer de Lucartë. Et la seule chose qui vint troubler le silence ensuite était nos souffles, car encore une fois, je n’avais rien osé dire, et finis simplement par sourire, le plus sincère que l’on eût jamais vu ; je la pris par le bras, l’emmenant comme si rien ne s’était passé – c’était tout le contraire – vers les sources, tandis qu’intérieurement, j’avais toutes les peines du monde à contenir l’émotion qui m’avait envahie. Un escalier s’enfonçait vers le centre de la terre, et la chaleur montait au fil de notre descente, tout comme ma peau se rafraîchissait au fil des marches que nous dévalions toutes deux, sa main rassurante et tiède dans la mienne.
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Au diapason de ce cœur de basalte

MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mar 8 Oct - 7:19
Un bain chaud reste une petite représentation de l'idée qu'on peut se faire du paradis, ou du moins que je m'en faisais personnellement. La vie de bohème avait certes un attrait irrésistible à mes yeux curieux, mais poser mon gracieux derrière au fond d'une cuvette de roche taillée rempli d'une eau trouble et fumante avait un charme abrutissant auquel je m'abandonnais avec un sourire idiot.
Les sources chaudes étaient, de ce que j'en avais appris, un lieu assez excentré de la cité. Il vous fallait descendre sous la surface, emprunter de ces escaliers trapus dans d'insondables boyaux que je me mis rapidement à détester, et gagner une gigantesque caverne percée de bassins à l'apparence mi-naturelle, mi-artificielle.

Quelques représentants du petit peuple étaient déjà sur place, mal visibles dans les vapeurs blanchâtres qui réussissaient le tour de force de remplir l'espace pourtant immense. Ici, la pierre ruisselait d'humidité, et un grondement sourd se dégageait des lézardes dans les parois. Comme si nous étions réellement dans le ventre de la terre, digérant sa lave et son onyx...
Je me fis la réflexion, entraînée par Ève, que peut-être Midgard était une sorte de prison. Que dans ses profondeurs se terrait quelque chose de terrible, coincé dans ce foudre qui était notre monde, et qui un jour s'éveillerait pendant le Ragnarok... Ce serait une joie d'en narrer l'histoire.

Nous passâmes devant un Nain au visage rougeaud qui proposait des étoffes à bas prix pour ceux que la pudeur retiendrait. Je m'arrêtais un instant devant lui, glissant un sourire matois à l'adresse de la forgeronne. Ma main glissa un instant devant les tissus, comme hésitante... avant que je ne file plus avant sans y toucher, courant d'air volage ne supportant l'idée d'un vêtement entre l'eau et ma peau.

C'est dans le brouillard vaporeux des lieux que nous trouvâmes notre chemin jusqu'à un bassin un peu excentré des autres, dans lequel je m'aventurais comme un cygne des mers froides viendrait goûter les lagons du Sud. J'ôtais mes habits avec une lenteur délibérée et joueuse, offrant l'albâtre de mon corps à la vue brouillée de la demie-naine. Ma jambe rougit à mesure qu'elle passa sous la surface, frappée par une chaleur piquante dont je ne connaissais guère plus la sensation depuis quinze ans. De même qu'une gamine peut se jeter sur un jouet si convoité qu'elle ne l'espère plus, je m'assis non sur le bord de pierre grossièrement taillé mais bien tout au fond de cette vasque à taille humaine, à en avoir de l'eau jusqu'au nez, savourant de la chaleur jusqu'à sa souffrance ! Je redécouvrais un plaisir que je croyais trop souvent inaccessible, un plaisir que je plaçais moi-même hors de mon atteinte...

Je fermais les yeux, mes boucles d'ébène s'éparpillant autour de moi, oubliant tout et jusqu'à Ève elle-même.

Je remontais dans le passé, année après année, une horloge démente au fond de mon esprit marquant chaque pan de mon existence. Je revins jusqu'à mon enfance, jusqu'à ce temps où j'étais princesse de clan, fille de chefs. Jusqu'à cette nuit où je fus enlevée et conduite dans d'autres grottes que celles de Tubalcain... Dans cette caverne, il n'y avait pas de source chaude, pas de chaleur aucune, pas de lumière. Il n'y avait que les ténèbres, les mains froides d'hommes inconnus, et le reflet de la lune sur la lame des couteaux sacrificiels. Je me rappelais des bêtes - dix boucs et dix loups - égorgés au-dessus de mon corps. Je me rappelais du sang, de tout ce sang... une rivière brûlante, comme celle dans laquelle j'étais plongée actuellement.

Mes yeux d'ambre se rouvrirent d'un seul coup, éclairés d'une flamme de panique. Je cherchais impulsivement ceux d’Ève, et les trouvai ; si grands, si limpides, si paisibles. Le geste que j'eus alors n'était pas tout à fait le mien, mais celui de la jeune fille que j'étais redevenue un court instant pendant mon introspection. Il y eu un grand bruit d'éclaboussures : je venais de me coller à ma compagne, de l'enlacer en fermant mes paupières de nouveau, en respirant son odeur et en étreignant son corps jusqu'à la meurtrissure.

Une attitude pleine de souffrance. Toute ma vie de bohème déguisait une longue errance, une errance d'autant plus douloureuse qu'elle était volontairement infligée et donc d'autant plus dure à accepter, d'autant plus... injuste. J'avais été maudite ! De fait, j'avais quitté mon clan et mes parents afin de ne pas leur faire partager mon fardeau, et... et tout ce à quoi j'avais renoncé m'était revenu en pleine figure, comme un coup de marteau, en ressentant de nouveau cette chaleur liquide.

Un rictus hargneux étira mes lèvres et je me séparais d’Ève aussi brutalement que je l'avais saisie. Les paroles franchirent mes lèvres, chuchotées entre deux volutes de brume.


« Il y a longtemps de ça, j'ai lancé mon propre anathème. J'étais... l'héritière... du clan Lumisia, un clan de guerriers du Nord né de la paix entre deux familles rivales. La paix a plus d'ennemis que la guerre n'a de partisans, et ils ont cherché à la briser à travers moi. Ils m'ont frappée avec le sceau du sort ; un sort qui déclarait que ma main serait traîtresse, que l'avenir ne saurait me donner raison, que l'on ne pouvait me faire confiance. Alors, j'ai décidé de... quitter mon clan. De lui épargner ma présence, qui finirait immanquablement par le mener à sa perte. »


Un éclair de colère passa dans mon regard.

« C'est pour ça que je suis telle que tu me vois. Ma peau de neige, ma chevelure de suie, mes pupilles de corbeau... La magie est vivace en moi, mais elle n'a rien de bon. »

A ces mots, une immense amertume imbiba chacune de mes pensées, chassant tout ce qu'il y avait d'agréable à profiter de ce bain. Je promenais un regard désabusé sur les alentours, et me levais sans plus de cérémonie, me moquant bien de ma nudité. D'un geste morne, je ramassais mes affaires et les enfilais tout en sortant de l'eau.
Ou comment gâcher un moment de détente avec des idées noires.


« Profite un peu. J'ai besoin d'être seule un moment » la décourageai-je de m'imiter en l'embrassant dans les cheveux.

Je m'enfonçais à nouveau dans la brume étouffante, m'éloignant des bassins en direction de tunnels inconnus sous la cité. Je savais de Tubalcain qu'elle avait été bâtie bien plus loin que la mémoire des hommes ne saurait s'en souvenir, dans des directions multiples. Les Nains eux-mêmes n'utilisaient pas tout ce que leur architecture prolifique avait édifié, et de fait certains quartiers restaient désertées selon les années. Des corridors ciselés, des demeures trapues se dressant comme autant de dents dans des bouches à l'échelle de titans... toutes silencieuses et sans propriétaires, sans nom ni visage. Tubalcain était, à certains égards, une multiplicité de cavernes dont toutes n'étaient pas animées.

Je ne sais pas combien de temps, exactement, je marchais ainsi dans les boyaux vides de cette partie des profondeurs, vides comme mon âme l'était en cet instant. Plus d'histoire, plus de récits, plus de mots portés par les contes de mon cœur. Je sais juste qu'une lumière m'arrêta.
La lumière vibrante et incandescente d'un lac de lave, sur la berge duquel je me tenais.

Je n'avais jamais vu une beauté aussi brute que celle de cette étendue de feu dansante, faisant jaillir gerbe après gerbe de roche fondue. Il se dégageait de l'ensemble une impression de force pure, de force de la nature, qui me ridiculisait par le simple fait que je me tenais à ses abords. Une tablette se dressait là, énorme, pareille à un monolithe ; on aurait dit la pierre tombale de quelque géant oublié. Un nom y était gravé, à coups de pioche.

Je posais les yeux dessus, sa lecture amenant chez moi un doux sourire. Après m'être sentie si froide, et si vide... voir ce nom me rassérénait au-delà des mots.
Je m'assis devant la pierre dressée, minuscule ombre prise dans le reflet de mille flammes capricieuses.
Ève finirait bien par me trouver. D'ici là, j'avais à... réfléchir, à ce nom, au signe que les dieux m'envoyaient.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mer 9 Oct - 5:56
https://www.youtube.com/watch?v=I483tB12SyE
Spoiler:


La vue des marches s’enfonçant profond, bien trop profond dans la terre nous avait toutes deux faites tressaillir, ravivant d’un seul coup tout un tas de souvenirs que j’aurais préféré garder au fond de ma mémoire plutôt que de les voir ressortir de la sorte, et je n’avais aucun doute qu’il en était de même, voire pire, pour Adèle. Car peu avaient pu se vanter de vivre sa propre mort et de s’en remémorer, malgré que sa mémoire arrive à lui jouer des tours quand à ce jour, et j’aurais, au fond de moi, tant aimé qu’il en soit de même de ma tête. Mais la jeune femme, comme si elle ne souhaitait jamais l’oublier, s’appliquait régulièrement à lire mon journal, et plus encore la partie concernant notre enfance, son esprit animal ne souhaitant pas toujours conserver toutes les informations sur une vie passée et compliquée alors qu’elle pouvait avec beaucoup de simplicité se contenter de sommeil, de nourriture et de vie en plein air. Car avec le recul, et je le savais pertinemment malgré que ne voulais l’accepter, nul ne souhaitait se séparer de ses souvenirs, même les plus sombres d’entre eux ; ce qui avait déjà été des plus fâcheux, lors des moments où il fallait pour l’ourse trouver un lieu tranquille pour hiberner. Et inutile de dire que les grottes étaient les plus propices à cela, en prouvait l’ourson que nous avions déniché il y a bien longtemps, qui avait probablement perdu sa mère et qui s’était instinctivement dirigé vers un de ces boyaux étroits qui trouaient comme un gruyère la Lame ; mais Adèle ne s’en était toujours pas remise, et moi non plus, et j’avais été quelques fois contrainte de la forcer à s’en aller dans une de ces cavités desquelles elle refusait de s’approcher – elle ne pouvait tout de même hiverner à l’extérieur…
 
C’est pourquoi, avant que nous nous engouffrions dans cette descente vers les sources chaudes, j’avais offert une étreinte à Adèle, qui s’était placée sur ses pattes arrière, me surplombant de toute sa hauteur, posant ses lourdes pattes sur mes épaules, d’avantage pour me donner du courage que pour lui en souhaiter un bon ; car bien entendu, elle avait largement de quoi manger pour plusieurs jours, et la n’était pas le problème : le fait était que je savais que la vue de ce simple escalier avait ravivé dans son esprit la flamme aigue des souvenirs perdus. Un dernier regard en arrière, et je m’en retournais vers la jeune femme qui avait à peine commencé sa descente. Je pris sa main rassurante tandis que nous parcourions les innombrables couloirs taillés dans la roche, qui finirent par s’ouvrir en grand sur la salle convoitée, emplie de blanchâtre vapeur qui s’en allait se perdre dans les hauteurs de la salle. Et force m’était de remarquer que, lorsque j’oubliais les incidents passés et les milliers de tonnes de roche qui pesaient au-dessus de nous, je me sentais ici chez moi, parmi les mille minéraux qui m’entouraient, me protégeaient presque, comme si chaque fragment d’Ymir que nous étions censés avoir dévorés nous observaient d’un œil placide, signe d’une puissance gargantuesque. Et dans ces lieux qui auraient pu sembler sacrés, peu parlaient, si bien que les doux grondements terrestres qui retentissaient aux alentours apparaissaient comme en maîtres dans cet univers aquatique.
 
Un des nôtres nous proposa, le visage rougi – je ne savais si cela était à cause de la chaleur ou car nous venions de débarquer toutes deux, tandis que les seuls occupants étaient des hommes barbus – des étoffes, pour les plus pudiques d’entre nous. Je ne l’avais jamais réellement été, et je rêvais secrètement qu’il en était de même pour la belle qui me précédait ; mes désirs s’avéraient réalité, car Lucarte fila comme le vent sans plus accorder un regard à l’homme, et j’en fis autant, un sourire idiot sur les lèvres, jusqu’à un bassin légèrement excentré des autres.
 
La jeune femme était d’humeur taquine, et se dénudait avec une délibérée lenteur sous mon regard avide de ses formes troubles derrière les écrans de fumée ; mais la vapeur d’eau était telle que, à mon plus grand désarroi, je n’avais pu profiter pleinement de la vue que cela aurait pu demeurer.
A nouveau avec une grande précaution, elle pénétra la surface brûlante du bain tandis que, à mon tour, j’ôtai mes vêtements, mon armure étant restée sur mon ourse, et me plongeai le corps entier dans l’eau, à l’image de la belle qui avait déjà le nez au niveau le plus haut du liquide. Et si Lucartë semblait dans une sorte d’extase, la chaleur me faisait à moi un effet tronqué, et cela en était regrettable ; car rare était les moments où je ne fournissais pas le moindre effort de maintenir ma magie à un niveau constant, suffisant pour réguler ma température corporelle, et ainsi, avoir chaud ou froid n’importe où, à n’importe quelle période de l’année, et il n’était pas rare que ma peau soit brûlante en plein hiver, comme si j’étais resté cinq minutes me chauffant devant un feu. Cependant, j’appréciais tout de même le doux contact de l’eau, et même si la neige restait sa forme que j’affectionnais le plus, je m’étais toujours plu à nager, malgré que les occasions avaient quelque peu manquées au cours de mon enfance.
 
Je me contentais, flottante, les jambes pliées contre moi, de détailler le trouble visage de la jeune femme devant moi, dans un calme instant ou je me sentais comme flotter, sans que je ne touche aucune paroi rocheuse, et la simple vue de la belle non loin me rassurait ; j’aurais pu rester ainsi longtemps si elle n’avait pas ouvert les yeux avec une lueur de panique et de peur que je détestais déjà. Elle vint se presser contre moi, mais je n’avais même pas le cœur à apprécier l’instant tant elle semblait… Changée, malheureuse. Et sa tristesse m’envahit immédiatement. Je ne voulais pas la voir comme cela.
 
« Il y a longtemps de ça, j'ai lancé mon propre anathème. J'étais... l'héritière... du clan Lumisia, un clan de guerriers du Nord né de la paix entre deux familles rivales. La paix a plus d'ennemis que la guerre n'a de partisans, et ils ont cherché à la briser à travers moi. Ils m'ont frappée avec le sceau du sort ; un sort qui déclarait que ma main serait traîtresse, que l'avenir ne saurait me donner raison, que l'on ne pouvait me faire confiance. Alors, j'ai décidé de... quitter mon clan. De lui épargner ma présence, qui finirait immanquablement par le mener à sa perte. »
 
Le silence était d’or, la parole d’argent, et jamais il ne m’avait semblé plus important que ce conseil ce jour-là. Car je ne savais que dire, partagée entre la compassion, la tristesse, la pitié et l’incrédulité qui m’envahissaient. Alors je ne dis rien.
 
« C'est pour ça que je suis telle que tu me vois. Ma peau de neige, ma chevelure de suie, mes pupilles de corbeau... La magie est vivace en moi, mais elle n'a rien de bon. »
 
Je me retins de dire qui que ce soit, que je l’aimais, qu’elle était magnifique, que j’aurais aimé passer l’éternité avec elle, car le sujet n’était pas porté vers moi, mais vers elle. Et je ne pouvais rien y faire, sinon lui offrir ma présence.
 
Et sans un mot de plus, elle se leva pour s’en aller se rhabiller et quitter les lieux. 
 
« Profite un peu. J'ai besoin d'être seule un moment. »
 
Je ne pipai mot, et me recroquevillai un instant dans l’eau, à l’horizontale, comme une enfant, me moquant bien de mes yeux grands ouverts dans l’eau chaude, et des larmes s’en écoulant probablement ; une minute, peut être deux, passèrent, avant que je ne parvienne à me ressaisir, à ravaler mes larmes que je ne parvenais même pas à justifier et à m’élancer à sa poursuite, à travers boyaux et cavités, qui me terrorisaient par leurs silhouettes de stalactites floues tout autour de moi, rhabillée en hâte. Je ne pouvais laisser Lucartë seule.
 
Je marchai, marchai et marchai encore, sans me soucier que j’errais au hasard et sans me soucier du temps qui passait, jusqu’à ce que une lueur n’attire mon attention et l’emmène, telle un insecte devant une flamme.
 
Le monolithe, aussi noir que l’onyx, surplombait Lucarte de sa puissante magnificence, l’incandescente lueur faisant baigner sa chevelure sombre dans une dorée lueur, tandis que le magma en fusion auquel elle faisait face l’illuminait de sa beauté naturelle, celle que j’avais l’habitude de faire découler du métal et qui était ici sous la forme de roche. Sans un bruit, je l’enlaçai par l’arrière, mes bras sur ses épaules et mes mais croisées sur son ventre, tandis que ma tête froide était dans son cou.
 
Lucartë…
 
Ma voix était brisée par l’émotion qui n’était même pas mienne réellement, si bien que je ne pus retenir quelques larmes qui s’en allèrent mouiller la peau de la belle. Je n’avais même pas songé que sa malédiction aurait pu se retourner contre moi, et cela m’importait peu. Il fallait définitivement que je sois plus forte que cela.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mer 9 Oct - 12:40

Certains contacts sont des touchers que vous n'oublierez jamais. Ce peut être la caresse d'une mère, l'étreinte d'un père, le baiser d'un amant... Au moment où cette paire de bras m'enlaça, je su que ma mémoire venait d'être marquée à tout jamais. Je sentis, comme on peut sentir une plaie s'ouvrir dans la chair, qu'un barrage en moi venait de céder. Les langues de chaleur qui me faisaient face n'étaient rien en comparaison de celle qui se pressait contre mon dos et qui me couvait de ses mains tendres. J'attrapais les poignets d’Ève et les pressais avec une émotion que je ne comprenais pas, et que j'aurai vainement cherché à décrire : elle me nouait la gorge, alourdissait mon ventre, faisait rugir mon sang.

« J'ai entendu une histoire, un jour, dans un clan lointain de l'Ouest. Elle disait qu'un mauvais géant du nom d'Halakurbd chassa une Valkyrie dont il désirait l'étreinte. De peur, elle s'enfuit par monts et par vaux, la concupiscence du colosse sur les talons. Voyant que le monde n'était pas assez grand pour la cacher, elle décida de se terrer sous la surface pour se dérober à son attention. Mais Halakurbd était déterminé au-delà de la raison et il la suivit dans les profondeurs, plus obnubilé que jamais par sa peau d'albâtre. »

Je tendis une main en arrière, caressant machinalement la joue de ma compagne. C'était un geste empli d'un indéniable attendrissement, et jamais, songeai-je, je ne me le serais permis en public (à l'égard d'une autre femme, du moins).


« La Valkyrie entendit la terre trembler sous les pas d'Halakurbd... la pierre gronder... Le sens-tu toi aussi ? »
chuchotai-je en prenant sa main et en l'étalant sur le sol.

De fait, la caverne frémissait des flots de lave contenus sous sa surface. C'était une vibration sourde, aussi immense qu'étouffée.


« Plutôt que de s'offrir à un enfant de Jötunheim, elle érigea un grand bûcher et se laissa brûler dessus, privant son poursuivant de ce qu'il désirait le plus. Halakurbd sentit la chaleur monter dans les ténèbres et il pleura la perte de la femme qu'il avait perdue par ses avances. Ses larmes se marièrent aux flammes funéraires et ainsi fut créé le plus grand lac de feu de Midgard ! On dit que le géant erre toujours dans les profondeurs, qu'elles tremblent sous ses pas... et que la Valkyrie ne souhaite plus qu'une chose. »

Je me retournais lentement, amenant mes lèvres sur la courbe de son visage, murmurant tendrement à son oreille :

« Voir, rien qu'une fois dans sa mort, deux êtres s'unir d'un vrai amour. »

A côté se dressait l'énorme silhouette de la tablette, et le nom qui y était gravé se découpait à la lumière de l'étendue embrasée. Halakurbd.
Peut-être le géant s'était-il noyé dans les flammes, de chagrin. Peut-être avait-il laissé une marque de son passage pour déclarer que ce lieu était sa propriété. Peut-être n'était-ce là que la fantaisie d'un érudit qui avait souhaité commémorer l'endroit... L'histoire ne le disait pas. Et là n'était pas l'important.

L'important était sous mes yeux ! L'important, c'était d'avoir cette fichue demie-naine juste devant moi, avoir son regard de corail en plein dans le mien, pouvoir effleurer ses épaules de mes paumes timides! Elle avait un athlétisme que je lui enviais et que je flattais lentement de mes mains. Il n'y avait dans mon expression aucune trace de l'ironique qui m'était coutumière ; rien qu'une hésitation un peu concentrée, ainsi qu'une enfant qui découvre une nouvelle passion et l'explore avec précaution.

De la passion...

Je la sentais gronder dans mes entrailles, ronger ma raison pour lui substituer une faim de plus en plus dévorante. Une faim que je ne me serais jamais soupçonnée, mais qui faisait infuser une fébrilité presque prédatrice dans chaque fibre de mon être.


« Ève... »

Je me mordis la lèvre, lui grimpant un peu dessus. La lumière dans mes pupilles n'était pas que le reflet d'un feu extérieur : il était aussi et surtout intérieur, vorace, de moins en moins réprimé. Cette fille commençait à m'envoûter, le grain de sa peau, la fermeté de ses membres, le parfum singulier de ses cheveux mouillés... Son charme m'agaçait, m'irritait, et me détruisait. Me détruisait si jamais je tentais de lui résister...

Alors je m'y abandonnai.

Sauvagement, je plaquais ma bouche à la sienne en l'incitant à s'allonger sur la surface inégale du sol. Je saisis ses poignets pour les guider jusqu'à mes hanches et pouvoir après lui caresser les pommettes.


« J'ai envie de hurler... » lui confiai-je entre mes dents.

De hurler, oui. Hurler à la face des flammes, hurler que cette fille était à moi et qu'à partir d'aujourd'hui, je cesserai de me refuser mon propre bonheur. Qu'à partir d'aujourd'hui, j'allais chanter et raconter mes histoires non pas tant aux oreilles du monde, mais aux siennes.
Je réalisai que j'étais en train de crier au moment où ma voix s'éteignit. Alors, et alors seulement, je pressais un baiser avide contre la forgeronne, où nos dents s'entrechoquèrent.

C'est ici, dans l'éclat dansant des flammes... dans le grondement régulier des parois de roche noire... au diapason de ce cœur de basalte, que nous nous sommes aimées pour la première fois.
J'avais des gestes maladroits et empressés, ôtant mes vêtements comme on se libère d'un carcan. Je voulais, non pas son corps mais l'âme qui était recluse dedans et que charmer la chair me permettait d'atteindre. Je ne savais pas comment m'y prendre avec une femme, mais je m'aperçus instinctivement qu'il était plus facile, quelque part, de deviner ses désirs et aspirations qu'avec un homme.

Je ne l'avais jamais fait, et elle non plus. Je la découvris avec toute la passion féroce qui bouillonnait en moi, la poussant à se dénuder à son tour. Mes baisers se firent avides, brûlants ; mes caresses aussi audacieuses que pressées, où mes longs ongles laissaient sur elle de pâles zébrures ne tardant pas à virer au carmin. Mon amour s'exprimait dans une attitude non pas brutale mais féroce, débridée. Je l'embrassais dans le cou, et l'embrassade devint morsure ; nos cheveux se mêlèrent dans une cascade de mèches brunes et de boucles d'ébène, masquant un temps la scène embrasée que nous côtoyions. Mon souffle éperdu se maria aussi au sien, une fine transpiration se mettant à recouvrir mon corps. Je sentais que nous étions au-dessus de l'abîme, à ce point qui précède le moment où deux amants vont soudainement basculer dans le gouffre de leur propre passion. Je lui pressais avec force la nuque, puis les bras, me retenant à grand'peine. Nos ventres s'épousaient sans pudeur, nos jambes s'enlaçaient sans embarras...


« C'est le moment où je dois trouver quelque chose d'intelligent à dire, mais... »

Je me dérobais à son regard, haussant les épaules avec désinvolture.

« Là, je ne trouve rien. »

Je promenais un index joueur sur sa peau, dessinant d'improbables motifs. Je n'osais franchir le pas véritable, retenue par quelque main invisible. Après tout, j'étais la Skalde, celle qui la suivrait toute sa vie...
Elle avait déclaré m'aimer, un soir. Je lui en avais demandé la preuve, et elle avait repoussé mon défi à plus tard. C'était désormais l'heure de le relever.


« Il paraît que tu m'aimes...? » minaudai-je en basculant sur le côté, faisant référence à cette fameuse soirée au Dragon Vert.
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Au diapason de ce cœur de basalte

MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Sam 12 Oct - 1:54
Halakurbd. Gravées dans la pierre, surplombant l’horizon ardente et bouillonnante, troublée par ses propres gerbes de puissance enflammée, ces lettres nordiques dominaient l’étendue de magma, comme lançant une terrible compétition entre deux entités infiniment imprégnées d’un ancestral pouvoir, pour savoir de quel état de la roche allait-il demeurer jusqu’à l’éternité, tandis que tout ne serait plus que désolation ; et la chaleur immense irradiant du liquide, devant moi, éblouissante de par sa force, faisait irrémédiablement pencher la balance, tandis je me sentais si ridicule face à une telle beauté, moi et ma piètre magie au bout des doigts.
                                                                                                                                              
Et Lucartë, pour toute réponse à mon étreinte emplie de sa propre tristesse, emporta mes poignets au fond de ses paumes, serrés dans ses mains que je n’aurais jamais osé quitter.
 
« J'ai entendu une histoire, un jour, dans un clan lointain de l'Ouest. Elle disait qu'un mauvais géant du nom d'Halakurbd chassa une Valkyrie dont il désirait l'étreinte. De peur, elle s'enfuit par monts et par vaux, la concupiscence du colosse sur les talons. Voyant que le monde n'était pas assez grand pour la cacher, elle décida de se terrer sous la surface pour se dérober à son attention. Mais Halakurbd était déterminé au-delà de la raison et il la suivit dans les profondeurs, plus obnubilé que jamais par sa peau d'albâtre. »
 
Je songeai avec un certain mélange d’effroi et d’amusement que si la belle m’avait repoussée, j’aurais probablement fini comme ce pauvre géant, psychopathe, jusqu’à me donner la mort, quelques temps plus tard ; mais le simple contact de mon visage dans le cou de la belle m’avait rassurée, rassérénée à jamais. Tandis qu’elle contait de sa voix aux mille merveilles, avec une infinie tendresse, de sa main, elle effleurait ma joue, du bout des doigts, l’un des premiers gestes aussi… Sincères, exempts de sa caractéristique ironie faisant office de voile à ses sentiments, geste simple que j’osais alors à peine lui dédier et qu’elle ne avait pris l’initiative, insignifiante et pourtant si importante.
 
« La Valkyrie entendit la terre trembler sous les pas d'Halakurbd... la pierre gronder... Le sens-tu-toi aussi ? »
 
Elle s’était emparée de ma paume pour la placer sur le sol, me faisant ressentir par l’ouïe et le toucher les gargantuesques vibrations que produisaient Rune Midgard elle-même. Et c’était cette force qui nous animait, nous Nains, cette puissance reposant au fond de la terre, et des roches ; et c’était la même puissance que certains mages exploitaient, les plus respectables d’entre eux d’après moi, qui empruntaient un infime fragment de la puissance d’Ymir de leur côté pour un court instant. Les minéralomanciens. Et en ce moment, je ressentais leur force. Leur force infinie.
 
« Plutôt que de s'offrir à un enfant de Jötunheim, elle érigea un grand bûcher et se laissa brûler dessus, privant son poursuivant de ce qu'il désirait le plus. Halakurbd sentit la chaleur monter dans les ténèbres et il pleura la perte de la femme qu'il avait perdue par ses avances. Ses larmes se marièrent aux flammes funéraires et ainsi fut créé le plus grand lac de feu de Midgard ! On dit que le géant erre toujours dans les profondeurs, qu'elles tremblent sous ses pas... et que la Valkyrie ne souhaite plus qu'une chose. »
 
Elle retourna son joli minois vers le mien, murmurant au creux de mon oreille.
 
« Voir, rien qu'une fois dans sa mort, deux êtres s'unir d'un vrai amour. »
 
Je tressaillis, de désir, de passion, d’amour, devant Elle et son regard brûlant des mêmes sentiments que ceux qui m’animaient depuis plusieurs semaines, depuis le seul instant ou je n’avais qu’effleuré son regard, et pu jouir de la vue de ses yeux dorés dans l’obscurité, brûlant de leur flamme sombre, dangereuse, maudite, qui, tout compte fait, ne m’avaient fait que me donner encore d’avantage envie de m’en approcher pour la faire mienne.
 
« Ève... »
 
Je pouvais jusqu’à sentir l’ardeur qui la faisait agir, la même chaleur qui m’envahit à l’ instant où, planquant mon dos sur le sol froid, elle avait mêlé nos bouches, avec une férocité que je ne lui aurais soupçonnée.
 
« J'ai envie de hurler... »
 
Et c’était ici, et maintenant, en cet instant précis, que j’aurais pu déterminer cet instant comme un tournant majeur dans notre relation ; non pas du simple acte physique, mais bien de tout ce qui s’en ensuivait, et du déclic qu’il avait provoqué dans nos esprits respectifs. Je ne la laisserai jamais s’échapper, car elle était mienne. Pour toujours.
Et si la belle ne semblait pas avoir beaucoup plus d’expérience que moi, ses gestes, brûlants et fébriles, impatients, terriblement efficaces, prenaient source dans les propres désirs qu’elle se connaissait en tant que femme, et je m’appliquais à en faire autant.
 
L’étreinte en devenait  féroce, animale, toujours plus avide, et tandis que ma peau blanche rougissait, plus brûlante qu’elle ne l’avait jamais été, je priais tous les dieux, même ceux qui n’existaient pas, pour que cet instant ne s’arrête jamais ; et c’est précisément maintenant que Lucartë, avec toutes les peines du monde, se dégagea de moi, roulant légèrement sur le côté tandis que je l’observais, profitant de l’avantageuse vue de son corps tandis que j’essayais de comprendre les raisons de son geste, haletante.
 
« C'est le moment où je dois trouver quelque chose d'intelligent à dire, mais... »
 
« Là, je ne trouve rien. »
 
Son index jouait sur ma joue, traçant d’imaginaires dessins sur ma peau incarnate.
 
« Il paraît que tu m'aimes...? 
 
Pour tonte réponse, je me juchai au-dessus de son corps pour lui murmurer, presque aux creux des lèvres, un sourire carnassier sur mon visage : « Tu n’oserais jamais imaginer à quel point. »
 

Si la jeune femme avait semblé mener la danse jusqu’ici, il n’en était plus rien désormais ; car c’était à mon tour de lui donner du plaisir, de la rendre heureuse, plus que jamais dans mes bras. C’était mon désir le plus cher, et c’était le moment de le lui prouver, sous la complicité, non pas des étoiles, mais de l’invisible plafond de la grotte, et des gerbes ardentes s’élevant sur l’horizon brûlant ; et les grondements sourds ne parvenaient pas à couvrir nos manifestations de joies, qui durèrent une bonne partie de la nuit, s’en allant se perdre dans les hauteurs sombres de la cavité. Et c’est beaucoup plus tard que je finis, d’épuisement, par reposer ma tête sur la rassurante poitrine de la belle, bercée par le doux son régulier de sa respiration, pour probablement m’y endormir, fatiguée et souriante.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mer 16 Oct - 8:59

Je me sentais renaître sous la moisson de ses doigts, récoltant ma fébrile passion brasillant à fleur de peau. Ses lèvres, ses mains, ses caresses et ses flatteries faisaient bouillonner dans mon bas-ventre un plaisir que je n'aurai jamais cru ressentir devant une femme. Une femme...! J'ébouriffais ses cheveux, je griffais son dos et mordais ses épaules avec la même avidité que j'en aurai eu pour un homme. J'adorais sentir sa taille sur la mienne, refermer l'étreinte de mes membres sur son corps dont je jalousais l'athlétique sveltesse ; je laissais sur lui l'empreinte de mes dents, jusqu'au sang.

Une farouche ivresse m'envahissait au fil de nos ébats, et je devenais de plus en plus débridée, de plus en plus violente, aussi, quelque part. Ce n'était pas quelque chose que je pouvais contrôler ou même museler : c'était une pulsion dont je découvrais subitement la colossale ampleur, montant du fond de mon être à la manière d'un molosse trop souvent réprimé et qui, d'un seul élan, briserait ses chaînes.

La bouche contre son oreille, je me rappelle avoir murmuré des mots... pleins de passion.

Lorsque nous eûmes fini Ève se tenait contre moi, apaisée, dans la belle lumière du lac en feu. J'ai passé ma main dans ses boucles brunes avant de fermer les yeux, dessinant d'aléatoires motifs sur sa joue.
Jamais je n'avais dormi si bien.


***
« Oublié dans les ténèbres... »
Quelque chose m'agitait dans mon sommeil. Ce n'était pas les rêves mélancoliques que je faisais quelquefois au sujet de mon clan ou de mes parents, ceux qui me rappelaient combien cruel et douloureux pouvait être l'exil volontaire. La perturbation de mon repos n'était pas une voix de mon esprit ; c'était une voix dans la roche.

« Laissé pour compte, dans le ventre de Rune Midgard... Oublié... »
Une voix gravée dans la pierre, comme un clou peut l'être dans un cercueil. Le ton était sépulcral, d'une infinie gravité, comme s'il émanait de la terre elle-même. J'en étais sûre à présent ; les paroles résonnaient contre les parois, message haineux prononcé sur un ton plein de rancœur.

« Abandonné au rire des ombres... Laissé pour compte... »
Je me redressais, alertée, croisant le regard d’Ève qui elle aussi s'était réveillée. Ce qui ressemblait désormais à une litanie s'élevait de toutes parts, de toutes les directions, accusation faisant trembler jusqu'au roc de ces tunnels. N'importe qui aurait eu raison d'être effrayé par toute la colère qui vibrait dans ces mots se propageant dans l'air embrasé, mais pas moi... Moi, je tendais l'oreille, saisie par l'exaltation du péril et toute frémissante à l'idée que ce que je supposais puisse être vrai.
Excitée, je commençais à me rhabiller sans accorder plus d'attention que ça à ma compagne. Mon attitude pouvait être blessante, mais j'étais ainsi faite que le mythe avait sur moi un appel irrésistible... or en cet instant, le mythe revenait des profondeurs. Et il avait l'air en fureur.


« Trahi par les miens... Oublié... »
La même effroyable rancune perçait dans chaque lettre. Je passais les bras dans ma tunique échancrée, enfilais mes bottes. A présent, le sol s'agitait à intervalles réguliers... tel un escalier supportant un poids trop conséquent pour lui.

« ... dans les ténèbres. »
Et nous le vîmes.
Peut-être jadis avait-il ressemblé à un homme. Grande était sa stature, à plus de huit pieds de haut ; et pourtant voûtées étaient ses épaules. Larges elles étaient, autant que celles d'un jeune taureau, et vaste sa poitrine. Ni les ans ni les éléments n'avaient pu rider ses muscles, alors que son visage était dévasté. Saillies, craquelures de parchemin, brûlures de cendres : la chair de ses traits était un champ de bataille à nul pareil, où les ravages du feu, des larmes, du désespoir et de l'âge avaient rempli leur office.
Cet homme était un géant, au point qu'on doutât qu'il était véritablement humain ; mais était-il pour autant un véritable titan ? J'en doutais. Peut-être avait-il donné naissance à la légende d'Halakurbd.

Ses paupières étaient closes, mais elles s'ouvrirent lentement pour se poser sur nous. Je me pétrifiais : la cataracte qui les recouvrait n'arrivait pas à apaiser l'envie de meurtre qui y rongeait toute raison. La stèle portant le nom n'était ni un hommage, ni une commémoration : c'était un avertissement.


« Elle était si belle. »
Sa voix, son horrible voix, roulait plus lourdement que le tonnerre dans les plaines. Je ne comprenais pas comment elle pouvait être si intense, si insupportable ; je m'agrippais à la manche d’Ève pour ne pas trembler.

« Elle n'aurait pas dû brûler. »
Mon mauvais fond me poussait à signaler que si la Valkyrie avait brûlé, c'était avant tout de sa faute, et qu'il serait honnête de ne pas nous en faire payer les frais comme il semblait en avoir la désagréable envie. C'était toutefois tendre la joue à une main qui faisait facilement la taille de ma figure, aussi m'abstins-je de faire de l'esprit (une fois n'est pas coutume).

Malheureusement, on n'a pas toujours le choix.


« Vous troublez son repos... Oublié... »
Je réalisais trop tard la gigantesque masse qu'il avait dans la main. Elle semblait faite de basalte, une pierre noire veinée de sang, accordée à sa taille démesurée. Halakurbd la leva lentement, et je n'aurai jamais pensé qu'un geste si peu rapide puisse être si menaçant. Je ne doutais pas qu'un seul coup suffirait à faire sauter mes os, et en cette seconde, me sentis d'une incroyable vulnérabilité.
Ce n'était plus la manche de la forgeronne que j'enserrais ; c'était ses doigts. Je les lâchais aussitôt que je m'en aperçus, adoptant un masque résolu à la limite du diabolique.


« Je ne sais à quel point la légende dit vrai. Mais ce dont je suis sûre... »

Ces mots focalisèrent sur moi l'attention de son regard d'aveugle, si intimidant ; mais la musique enchanteresse de ma magie tourbillonnait à mes oreilles, renvoyant l'éclat de la lave, faisant chatoyer l'air autour de ma peau. Il était trop tard pour avoir peur d'un géant oublié.

« C'est que vous voulez faire de ce lieu notre tombeau. J'y ai découvert mon salut, ma panacée : vous ne me l'enlèverez pas si aisément... »

Je martelais les dernières syllabes, presque jusqu'à les crier. Un rugissement audible à mon âme seule explosa dans mon for intérieur, libre déchaînement de ma sorcellerie. Des flammes au mauve malsain léchèrent mes paumes puis mes poignets, véritables serpents ondulants au rythme de ma colère. J'étais incapable de manier les deux facettes de mon pouvoir dans le même temps, et lorsque j'étais la proie de mes plus sinistres émotions, c'était sa part funeste qui se révélait. Un feu surnaturel, glacé, capable de brûler même les flammes.

« Tu vas rejoindre ce feu que tu convoites tant, géant » grinçai-je des dents.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Jeu 17 Oct - 4:15
Mon esprit, exempt de toute pensée, voguait paisiblement dans les méandres de mon esprit reposé, somnolant, tandis que mon enveloppe charnelle restait quelque part, au fond de mon esprit, comme un songe perpétuel et de temps en temps, j’entrouvrais les yeux pour y voir ses mèches sur sa peau pâle ou le magma bouillonnant non loin, ses gargouillements allant de concert avec les sombres roulements qui parcouraient murs et sols au rythme même de sa régulière respiration ; plus que jamais, je l’entendais, le l’écoutais, son souffle, son corps, la tête reposée contre sa cage thoracique, et parfois, je jetais un œil vers son visage paisible, et il suffisait de lui-même à balayer tous les doutes que j’avais jamais pu avoir.  Rien n’avait changé, au fond de mon esprit ; mais je savais le regard qu’elle posait sur moi changé, et je n’avais pas encore bien saisi ce que je représentais pour elle. J’osais espérer ne pas être un… Un outil, pour la libérer du joug que la belle s’était vue infligée par le passé ; je désirais simplement qu’elle soit heureuse en ma compagnie, que je la fasse sourire comme elle me le fait. Je ne manquerai pas de lui faire part de mes craintes. Mais pas maintenant ; l’instant n’était que chaleur et tendresse, et ce n’était pas le moment de le briser. Plus tard… Je verrais cela plus tard.
 
Le pire dans tout cela était que, si ce que j’avais énoncé plus haut s’avérait être le cas, je ne saurais quoi faire ; elle m’obsédait beaucoup trop pour pouvoir penser à une séparation, et je savais que ma vie prendrait fin à l’instant même où je ne pourrais plus la toucher ; j’espérais simplement que son amour s’avérait sincère, et qu’elle ne me considérait pas comme un moyen. Elle était ma vie, et les moindres heures passées loin d’elles depuis notre rencontre m‘avaient été si douloureuses que je n’osais imaginer plus loin. Je m’étais juré de ne pas y songer… Pour oublier, je m’allongeai plus allègrement encore sur son corps, mussant mon nez au fond de son cou, jouissant paisiblement de son éternelle tiédeur.
 
***
 
« … »
 
Je n’avais pas pu saisir les mots qui semblaient avoir roulé sur les parois caverneuses de la cavité rougeoyante, dont la profonde intonation m’avaient tirées de mon sommeil avec brusquerie. La belle s’était redressée elle aussi, toujours nue, tandis que j’avais fait de même, et nous échangeâmes un regard. Elle se leva rapidement, s’habillant en hâte alors que je jetais sur elle un regard interrogateur, les sourcils froncés par l’incompréhension.
 

« Trahi par les miens... Oublié... »
 
La colère, électrique et brûlante, vengeresse, bouillonnait au fond des mots de pierre qui se répercutaient partout autour de nous, tel le grondement subit et plaintif d’un coup de tonnerre, un orage de printemps sorti de nulle part. Et je fis de même que Lucartë, qui elle, semblait stimulée par la voix, sa curiosité de Skalde, trop encrée dans ses coutumes pour laisser passer une telle occasion ; mais cela ne me disait rien de bon, et si j’étais loin d’être effrayée, j’étais inquiète, craignant déjà pour la vie de celle que j’aimais dans un combat que je sentais approcher à grand pas, si cette voix ne s’avérait pas fruit de notre imagination.
 
Je me sentais trop légère, ma masse d’armes déjà en mains alors que mon armure n’était sur mes épaules, ma carcasse de mithril et d’acier étant restée sur ma grande sœur, qui vaquait probablement a plusieurs kilomètres au-dessus de là – endormie, comme je la connaissais –et je ne pouvais en aucun cas la ramener en ces lieux sombres et ressemblant beaucoup trop à une certaine cavité. Il était trop tard. Et s’il m’était déjà arrivé de me battre sans armure maintes et maintes fois, jamais je n’avais appris à employer cette mobilité gagnée par ce poids retiré, et j’en allais jusqu’à agir comme si ma seconde peau inexpugnable reposait toujours sur moi. J’allais devoir faire sans…
 
« ... dans les ténèbres. »
 
 
Il nous était apparu, soudain. Le seul instant d’avant, la stèle nous écrasant de sa hauteur, et désormais se trouvait devant elle... Une créature. J’aurais pu le qualifier d’anthropomorphe si son corps n’avait pas été aussi démesuré ; si ses épaules et sa poitrine n’avaient pas été aussi musclées, si son visage n’avait été si parcheminé et détruit par le temps, les flammes et l’antique malheur qui l’avait poursuivi. Si son regard avait été animé par la vie et non pas par la brûlure de la vengeance, et si une pupille y avait brillé. Si ses uniques intentions n’avaient été de nous tuer.
 
« Elle n'aurait pas dû brûler. »
 
« Vous troublez son repos... Oublié... »
 
 
Sa masse gigantesque, faite de basalte, striée de rubis sombres et de gravures rougeoyantes, rendant cette énormité noire encore plus intimidante ; et ma première réaction fut la crainte, lâche et inutile, ridicule. Pour la vie de Lucartë, pour la mienne. Mais cela ne dura pas.
 
Les Nains naissent pour se battre, vivent au combat, et tombent à la bataille. Mon père est un fier forgeron, guerrier vétéran, et ma mère est une guérisseuse, derrière ses airs de gentille commerçante. Son père est un prêtre exorciste, et également l’une des personnes que je respecte le plus au monde, pour son sang-froid, son professionnalisme, son courage et sa puissance. La raison qui le pousse à transgresser parfois les règles les plus élémentaires de l’alchimie lorsque cela est nécessaire. Mon grand-père paternel, maîtrisant comme moi les flammes, avec une virtuosité impressionnante pour l’un des nôtres, également. Et toute ma race, tout mon peuple. Mon sang, mes armes. Je ne voulais pas leur infliger la honte d’une femme fuyant au combat. Les femmes, comme les hommes, prennent part aux grandes batailles, faisant honneur à leurs origines, et surpassaient beaucoup d’humains. Pour les dieux, également.
 
Pour tout cela, mon expression se fit agressive, vaillante, et mes yeux d’un bleu aussi froid que la glace ; la poigne sur ma masse d’armes se fit plus ferme, et mon regard meurtrier. L’heure était au combat.
 
Je jetai un œil vers la belle, à qui je ne songeais plus, et découvris au fond de ses paumes de sombres flammes lui léchant les paumes de leur lueur d’un bleu violacé, et je me fis remarquer qu’elle était incroyablement belle, ainsi énervée, mais ce n’était pas le moment.
 
« Je ne sais à quel point la légende dit vrai. Mais ce dont je suis sûre... C'est que vous voulez faire de ce lieu notre tombeau. J'y ai découvert mon salut, ma panacée : vous ne me l'enlèverez pas si aisément... »
 
 
Elle avait emprunté un regard meurtrier, plantant ses yeux dans ceux, laiteux, de la créature.
 
« Tu vas rejoindre ce feu que tu convoites tant, géant. »
 
 
Je n’attendis pas plus pour m’élancer vers l’humanoïde, balançant dans mon élan Fafnir vers l’avant, et je ne savais plus dire d’elle ou de moi qui m’entraînait vers l'homme. Sa réaction, devant cet assaut un peu idiot, mais destiné d’avantage à surprendre et à annoncer officiellement le début des hostilités, fut quelque peu troublante ; il ne fit que tendre la main, paume ouverte à l’arme qui vint s’y heurter dans un bruit sourd, comme on aurait frappé un rocher, et je remarquai avec  stupeur que sa peau semblait couverte d’une couche de roche noire, s’apparentant à ce que je considérerais comme du magma solidifié, et quelques fragments s’en allèrent se perdre sur le sol sombre.
 
Je ne savais que faire. Pour l’instant, son but premier semblait être de m’épuiser, ne faisant que parer mes assauts de ses mains ou de ses pieds, que je ne faisais qu’effriter légèrement. Il allait falloir trouver une solution, et vite ; il aurait fallu que j’atteigne sa tête.
 
Je ne cessai pas pour autant mes assauts, ayant confiance en mon endurance, tout en attendant l’instant propice. En attendant, j’avais un problème à régler.
 
 Je m’adressai à la belle sans me retourner, d’un ton que j’aurais souhaité un peu moins glacial.
 
« Dis-moi, Lucartë… »
 
« Suis-je un outil que tu emploies pour te libérer de ta malédiction ? »
 
La vraie question était implicite.

« Lucartë, éprouves-tu des sentiments pour moi ? »
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Dim 3 Nov - 3:43

Certains disent que les mots peuvent frapper plus durement qu'une épée ; je ne les crois pas. En revanche, je clame haut et fort que les mots peuvent vous atteindre là où aucune lame ne saurait s'aventurer. Ces endroits sont parfois si sensibles qu'ils peuvent donner envie de pleurer même à une sorcière.

Au moment où Ève me porta cette question que je pris comme une accusation, les flammes grondantes de mes paumes vacillèrent et s'étouffèrent, à la façon d'une bougie soufflée par un vent impromptu. Je me retrouvais là, les mains vides, l'âme en émoi, observant stupéfaite ces doigts que toute magie venait de déserter. Une expression troublée passa sur mes traits, et le regard que je relevais vers la demie-naine, à cet instant précis, était brûlant de fureur.

En y repensant, j'ignore si c'est à elle que j'en voulais ; pour comprendre ma réaction, il faut comprendre ceci... Lorsque la douleur est trop grande, ou la confusion trop impénétrable, je me réfugiais dans la colère. C'était ma ressource intime, le moteur de mon désespoir et sa solution dans le même temps : les paroles de cette fille du Monastère avaient soufflé mon pouvoir et ma seule réaction face au phénomène était la rage.

Pourquoi ? Pourquoi ce bouleversement ? Aurais-je pu saisir mon âme par les épaules et la secouer en hurlant que je l'aurai fait. Je n'étais pas qu'une Skalde, j'étais aussi une sorcière prodigieusement douée, quand bien même je cachais souvent cet aspect de ma personnalité. J'ignorais à quel point ma sorcellerie était liée à ma malédiction, et si je disais l'abhorrer, je savais en mon for intérieur que ce n'était pas tout à fait vrai. Une ambition à l'égale de mon orgueil brûlait dans mes tripes, une ambition bien humaine. Une ambition qui se nourrissait de cette magie malsaine dont j'étais la détentrice... Si jamais ma damnation était levée, disparaîtrait-elle en même temps que mon tourment ? Peut-être bien.

Le souhaitais-je...? Je n'en étais jamais très sûre. Or, par ses paroles, Ève venait de soulever cette autre question... Si jamais je devais choisir entre mon pouvoir et elle, vers qui me porterais-je ? Pouvais-je abandonner mes dons pour rester à ses côtés ? Ou bien... ou bien la trahirai-je, le moment venu, pour conserver à ses dépens ma malédiction et mes pouvoirs ?!
Une part de moi-même se révoltait à cette idée, et c'est ce qui retenait les flammes de mes mains.

Un rictus de bête ourla mes lèvres, et je sautais sur l'épaule du géant entre deux échanges de coups avec ma compagne. C'était comme chercher à s'agripper à un bout de falaise mouvant, dont les saillies déchiraient mes vêtements et meurtrissaient ma peau. J'accueillis cette douleur avec une joie impie, et plongeai au fond de mon être à la recherche de mon pouvoir malmené.

Comme chez tout un chacun, je sentais qu'en moi résidaient de nombreuses ténèbres et de nombreuses lumières, forcées de cohabiter sous une même volonté. Mais mes contradictions à moi vivaient intensément, se heurtaient avec une immense passion : je ne composais pas avec mes bons et mes mauvais sentiments, je me laissais déchirer par eux. L'amour précieux au-delà des mots que je me savais éprouver à l'égard d’Ève se mariait à une haine farouche de la dépendance, fût-elle sentimentale. Comme on peut happer un poisson dans l'eau avec les mains, j'attrapais ma sorcellerie terrée au fond de mon cœur et la forçais à ressurgir.

Et mes paumes s'embrasèrent à nouveau.

Je n'étais pas une magicienne de pacotille. Mes émotions blessées vinrent nourrir l'appétit de mes flammes, et c'est une rivière mauve et affamée qui se déversa de moi pour engloutir la silhouette d'Halakurbd. Il ne cria pas, mais sa peau de pierre se racornit et se fendilla sous la caresse avide de ma sorcellerie. En retour, son bras se détendit à la manière d'un python de granite et son poing me cueillit en plein ventre, pour m'envoyer m'écraser à une dizaine de mètres de là.

Je heurtais le sol avec tant de violence que j'eus l'impression de me briser en mille morceaux. Inutile de préciser que je ne me sentais même plus respirer, et pour cause : mon souffle était aussi coupé que la main manquante d'un manchot pouvait l'être.
Ce qui ne m'empêcha pas de relever la tête avec un sourire triomphal et féroce.

Ce n'est pas parce que j'avais été éjectée que mes flammes, elles, allaient s'arrêter de dévorer la pierre et la chair. C'était un pouvoir ignoble et laid, qui reniait la vie et tout ses charmes alors que j'étais le héraut de la beauté de l'existence, la Skalde ramenant les légendes à la vie ; quelque part, cette facette de ma magie était ma contradiction même, ce qui expliquait que je la détestais. Il m'était impossible de me départir de la pensée selon laquelle j'étais un monstre, chaque fois que j'y faisais appel. Parce que je m'en servais, oui... mais aussi parce que son usage faisait naître dans mon âme un plaisir sauvage.

Le géant venait de se recroqueviller, ployant silencieusement sous la morsure dévorante de cette gangue surnaturelle dont il était le supplicié. Cela pouvait mettre une éternité à le tuer, une éternité hideuse passée à souffrir le baiser de flammes gelées. Il n'eût toutefois pas cette malchance : le marteau d’Ève vint le frapper à la tempe, faisant éclater la roche.
Le colosse s'effondra avec le vacarme d'un coup de tonnerre. Le brasier aux reflets violets s'attarda un instant sur sa dépouille, avant de se dissiper comme par déception. Le silence retomba ainsi qu'un voile pudique, uniquement dérangé par le bouillonnement de la lave.

Je me relevais péniblement, jetant un œil à mon corps : mon ventre avait pris une couleur assez effrayante, d'indigo et de bordeaux. Le sang coulait sous la peau, mais je m'en fichais, recalant la souffrance à grands renforts de coups de poing mentaux.
J'essayais de faire un sourire narquois à ma compagne, mais je n'y parvins pas. Je venais de faire l'amour avec elle ! Je venais de me battre avec elle ! Nous avions partagé, en si peu de temps, ce qu'il y avait de plus beau et de plus terrible dans l'existence... cela me coûtait, de me lier ainsi ; mais je l'acceptais, je me l'imposais car je sentais au fond de moi que c'était une chose bonne et juste !

Et elle... elle me posait cette question. Cette haïssable question.


« Pourquoi ? C'est l'impression que je te donne ? »

J'avais essayé de sourire, oui. Au lieu de ça, je lui parlais sur un ton plein de colère contenue et de rancœur, où se glissait une note de profonde dérision.

« Que je me sers de toi pour m'affranchir de mes démons ? Ben voyons. C'est certain que j'ai attendu quelqu'un pour me pencher sur la question. »

Mes paumes se mirent à flamboyer de nouveau, et mon attitude n'était pas loin d'être menaçante. Une infinie amertume gagna mes yeux, les faisant miroiter. Je déglutis péniblement : je comprenais seulement maintenant qu'elle avait entendu ma déclaration : « J'y ai découvert mon salut, ma panacée : vous ne me l'enlèverez pas si aisément » dans un sens bien pragmatique. Je n'avais pas parlé d'un recours face à ma malédiction, mais plutôt du bonheur qu'elle pouvait apporter dans mon existence... bien qu'à cet instant, je n'avais aucune envie de le lui expliquer.

Je m'approchais d'un pas ralenti par la douleur, levant mes mains pourléchées de feu vers son visage.


« Va te faire foutre. »

Déclaration brutale. Déclaration mensongère, aussi, car comme précédemment toute magie m'abandonna, enfuie dans le trou béant de mon cœur. Les doigts qui épousèrent la courbe de sa mâchoire n'étaient plus entourés de ne serait-ce qu'une minuscule flammèche, sinon celles de la passion, et je lui quémandais un baiser.
Je ne l'avais pas encore embrassée de cette façon : cette fois, je n'arrachais pas cette union de nos lèvres, je la lui proposais. Presque... timidement. Sans force, je lui offrais ma bouche tendue, et qu'elle réponde ou non à mon désir !

Je sentais le sang de mon ventre s'écouler, lourd, poisseux, derrière la barrière blême de ma chair. Je me sentais en pâlir, ce qui était un tour de force au vu de mon teint de peau. Ève n'avait plus beaucoup de temps pour m'offrir ce baiser, si elle décidait enfin de me faire confiance.

Ce qui était un pari risqué, il fallait l'avouer : après tout, j'étais moi-même la dernière personne à laquelle j'aurais fait confiance.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Dim 3 Nov - 6:46
Il y avait un temps pour tout, et longtemps avait régné l’âge de la confiance aveugle ; inutile de préciser que jamais je n’aurais aimé le quitter. Toute une vie dans ses bras rassurants, près de sa beauté infinie et de sa tiédeur addictive ; l’idée était séduisante, et je l’aurais préféré à la situation actuelle. C’était si facile… Au vu de l’amour qui m’avait envahi, ayant terminé de me ronger pour laisser place à une vague déferlante, incontrôlable en moi, me poussant à agir de manière insensé, il n’aurait été difficile de m’y plonger à jamais, sans plus m’interroger ; mais la guerre en moi était trop grande, et troublait mon esprit.
 
Je distinguais d’infimes détails qui suffisaient pour me cribler de doutes, me faisant moi-même douter sur des certitudes jusque-là inébranlables. Je l’aimais, voilà la dernière chose dont j’étais plus vraiment certaine ; et ma lâcheté était telle que l’absence de signes distincts de ses sentiments envers moi entravait les miens, alors que je devais les chercher, les trouver et les savourer. Tous ne devaient pas les balancer au visage de leurs partenaires comme je l’avais fait ! Tout aurait été plus simple si j’avais fait attention à ce journal ; car si je l’avais perdu, c’était bien qu’au fond de moi, poussée par une envie de précipitation égoïste, je l’avais inconsciemment laissé tomber, forçant alors Lucartë à tout avaler ou à me repousser à jamais… Je repérai divers et insensés indices prouvant que la belle était animée par de viles intentions, et ils me détruisaient sans raison aucune, alors qu’ils étaient infondés.
 
Jamais je ne m’étais sentie aussi faible, lâche et détestable. Il était évident que tout était de ma faute, que je lui devais de sérieuses excuses, et tout ce que je trouvais à faire, c’était de lui poser une question à laquelle je connaissais la réponse. Non. C’était une accusation idiote et infondée, que je ne pensais pas ; le seul et unique but de cette phrase était de la faire souffrir. Pourquoi fallait-il que… Je n’arrivais même pas à expliquer mon comportement. Elle avait donné un sens à ma vie, offert une joie infinie et une saveur à une vie qui n’en possédait pas réellement, et représentait celle pour qui je continuais à me lever le matin. Je venais de l’insulter, de la plus grave des façons, sans raison aucune ; j’avais douté de ses sentiments, de son intention. Je l’avais fait passer pour la pire des monstres, tout ça pour quoi ? Pour rien, elle qui me faisait déjà l’honneur de m’accorder de l’attention, haïssable créature que j’étais. Une fois n’est pas coutume, je venais de détruire une relation par ma simple monstruosité ; et je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même.
 
J’en avais presque oublié le géant que j’assaillais toujours, qui avait été témoin de nos passions – encore un instant que j’avais réduit à néant et vidé de son sens. Sa peau de pierre ne se craquelait même pas sous mes ridicules frappes, chatouillant sa paume de  mon marteau risible. Il fallait bien que mon mentor reconnaisse cette chose comme une arme pour se débarrasser de moi et achever ma formation ; il en avait même offert les décorations, pour que j’y croie d’avantage. Et même ce signe infime de fausse reconnaissance sur ma création inutile était indigne de moi : je ne parvenais même pas à blesser la main d’un homme. Mon père allait être fier de moi, tiens.
 
La belle n’était pas restée inactive ; car si je n’avais osé croiser son regard après la question que je lui avais posée, beaucoup trop honteuse, j’avais constaté ses destructrices flammes violettes qui s’en étaient allées dévorer l’énergie vitale du monstre, chargées de haine qui m’étaient destinées. Cet assaut, je le méritais. Si la belle n’avait été là, à éprouver des sentiments pour moi, il était très probable que je me serais donné la mort ; mais je ne pouvais pas, pas tant qu’elle était là, car malgré toute la colère – légitime – qu’elle portait pour moi, il était probable que mon décès entraînerai chez elle un sentiment de culpabilité que je ne lui souhaitais pas… Alors qu’elle n’avait nullement engrangé ce désir. J’avais tout simplement été assez idiote pour briser de mes propres mains toute ma vie, et si Lucartë n’allait plus assouvir mon amour éternel et égoïste, je ne souhaitais plus continuer à vivre.
 
Halakurbd se recroquevillais sur lui-même, rongé par la puissance de ma sorcière, ou celle que j’aurais aimé appeler  d’une telle façon même après mes impardonnables erreurs. Quel égoïsme. Quoi qu’il en fût, à nouveau, mes efforts avaient été vains et ridicules, et elle avait tout arrangé d’une déconcertante facilité… Ou presque. Car la jeune femme reçut dans le creux du ventre un poing d’une force que je savais phénoménale, m’arrachant un cri aigu ridicule tiré de la douleur que je ressentais, en binôme avec la sienne.
 
- Non !
 
 
Si j’avais tout gâché, je pouvais au moins agir, et terminer ce combat futile… Il y avait bien plus important, désormais. J’achevais ses souffrances d’un coup de ma masse d’armes sur la tempe, empli de toute ma rage envers moi-même. Actuellement, j’aurais préféré être à la place du géant. J’osais un regard vers celle que j’avais trahie, et constatai avec douleur son ventre à la couleur violacée.
 
« Pourquoi ? C'est l'impression que je te donne ? »
« Que je me sers de toi pour m'affranchir de mes démons ? Ben voyons. C'est certain que j'ai attendu quelqu'un pour me pencher sur la question. »
 
 
Je sentais les larmes, brûlantes et méritées, couler silencieusement sur mes joues. C’était une moindre peine que de recevoir ces mots, aussi blessants qu’ils étaient, après ce que je lui avais fait. Elle s’approcha de moi, lentement, et je luttais pour soutenir son regard.
 
« Va te faire foutre. »
 
 
Pourquoi nous acharnions-nous ainsi à nous détruire mutuellement ? Car par mes actions, j’en avais décidé ; et il était inutile de préciser que j’en étais démolie, brisée. Et contre toute attente, elle m’offrit timidement ses lèvres. Je m’y précipitai, mêlant nos souffles dans un gout amer que mes larmes vinrent saler. Et lorsque nous nous séparâmes, je lui jetai un regard, la gorge beaucoup trop terrée, sans oser me décoller de son corps.
 
« Je ne te mériterai jamais. Mes actions ont fait de moi un monstre. Tu… Tu m’offres un sens, une raison de vivre, et je brise notre relation sans aucune raison, par des mots infondés qui n’ont pour but que blesser et que je regrette immédiatement. Je brise ta confiance, te trahis et remets en doute ce que tu éprouves pour moi, te faisant passer pour un être inhumain, alors que c’est ce que je suis, moi. Pour te séduire, je te lance mes sentiments en pleine face, te forçant à les accepter ou les renier à jamais ; je n’ai pas fait exprès de perdre ce journal, mais je suis certaine que l’inconscient y a joué. Et impatiente et puérile, je souhaite que tu en fasses autant, et me balançant ce que tu ressens ; aveuglée par ma colère digne d’une fillette qui n’obtient pas ce qu’elle désire à l’instant où elle le demande, je t’accuse de la pire des infamies, alors que j’aurais dû savourer et apprécier ta présence et ton affection, et me délecter des indices démontrant que je compte pour toi. J’ai voulu que tu agisses comme moi, et que tu me déverses ton amour à coups de seau, alors que tu me l’offrais au compte-goutte, comme toute personne sensée le fait. Je suis désolée si tu t’es attachée à moi, car je me découvre monstre. Mais sache que je suis désolée, et que je t’aime. C’est si vain… Avant que tu ne veuilles me quitter, laisse-moi au moins m’occuper de ton état de santé… S’il te plaît… Te savoir en bonne santé est la dernière chose qu’il me reste. »
 

J’avais tout déclaré sans m’arrêter, libérant tout ce que j’avais sur le cœur, comme pour pouvoir le laisser partir en paix. Car lorsqu’elle s’en ira, en toute logique, et que je me serais assurée qu’elle aille bien, je mettrai fin à mes jours. Ma décision était prise. Pour l’instant, je m’emparai de son corps, plaçant un bras sous ses genoux et l’autre non loin de ses omoplates, le plus délicatement possible, tandis que mes larmes allaient assombrir son vêtement.

Voilà:
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Ven 8 Nov - 14:35
Les paroles franchissaient ses lèvres sans que je ne parvienne à les entendre. Une torpeur glacée s'était saisie de mes membres, les alourdissant à un point tel qu'ils m'entraînèrent dans un puits noir sans fond.
Les ténèbres y étaient salutairement silencieuses. J'ignorais ce qu'il venait de se passer, mais les mots m'apparaissaient instinctivement comme une menace, une possible souffrance, et je n'en voulais plus entendre un seul.

La nuit dura, dura et perdura encore. Je m'en moquais bien : j'étais ici à l'abri du monde, ou du moins le croyais-je. Je n'avais conscience, et le mot est encore bien grand, que d'une seule chose : ici, je n'avais pas à craindre... à craindre quoi ? Que redoutais-je exactement ? Je l'ignorais.
Mais pas pour longtemps.

La nuit s'écarta assez pour laisser entrevoir deux visages. Ils étaient flous, cachés par un rideau de neige tombante, et j'avais l'intime certitude que ce couple - un homme et une femme - me parlaient... mais le vent, dans mes souvenirs, étouffait leurs propos. Quel était leur nom ? Un nom aussi marié qu'ils l'étaient eux-mêmes. Je tendis une main tremblante vers eux, certaine que le contact de leur peau, la moindre caresse de leur part, raviverait ma mémoire vacillante ; mais je ne les atteins jamais, et les ténèbres les emportèrent malgré mes cris furieux.
Après eux m'apparurent deux autres silhouettes, l'une étendue et l'autre penchée par au-dessus. A nouveau, leur identité m'échappait, aussi m'approchais-je de la scène, ombre étrangère et spectatrice. Je vis du sang qui faisait comme un lit de roses à l'endormie : des cheveux d'orme ceignant un visage angélique, dont l'âme était visible au travers d'une paire d'yeux aux couleurs de la mer.


« Mes actions ont fait de moi un monstre. »

Des paroles. Des paroles, encore, et je sentais en elles un immense calvaire. Le genre qui vous poignardait le cœur et tout ce qui se cachait derrière.

« Je t’accuse de la pire des infamies, alors que j’aurais dû savourer et apprécier ta présence. »

C'était la moribonde qui s'exprimait, fixant l'autre personne qui venait de s'agenouiller à son chevet. Celle-ci me tournait le dos, mais je reconnaissais sa chevelure sombre et ses atours dépenaillés. Sa peau était livide, presque maladive.


« Je suis désolée si tu t’es attachée à moi. »

La sentence continuait de s'envoler, implacable, des lèvres désormais froides mais toujours mouvantes. L'avais-je tuée ? Était-ce de cela que j'avais à me souvenir ? La scène que j'avais sous les yeux m'était insupportable, faisant naître une écrasante culpabilité que je ne me savais pas capable de ressentir. Du remord ? Moi ? A quoi bon ! Il y a bien peu de choses dans ma vie pour lesquelles j'avais éprouvé un peu de regrets.

« Sache que je suis désolée. »
« Non... »

Je lui répondais, tout en sachant qu'elle ne m'entendait pas. Après tout, cette fille et sa meurtrière n'étaient pas vraiment là - à moins que ce ne fut moi qui ne l'étais pas. Tout ceci était imaginaire, une illusion fantoche de mon esprit pour donner un sens quelconques à des évènements ou à des sentiments passés.

« Et que je t’aime. »
« Non ! C'est faux ! »

Sa dernière déclaration emporta aussi sa dernière étincelle de vie. Me précipitant, je repoussais l'autre silhouette pour prendre sa place auprès de cette femme aux mèches brunes et la contempler une dernière fois... la finesse de ses traits était toujours aussi saisissante, comme si on avait peint son visage avec un minuscule pinceau.
Je reportais mes yeux jaunes pleins de haine sur celle qui avait été la destinatrice de sa suprême diatribe, croisant mon propre regard qui me contemplait. Mon reflet était en larmes.


« Si tu l'as réellement tuée, je te ferai connaître un tout nouveau royaume » me jurai-je à moi-même, grondant entre mes dents. « Un royaume de remords et de désespoir. »

Avec ma menace vinrent de nouvelles ténèbres qui engloutirent mon double, puis moi-même ; et mon délire s'évanouit enfin, me laissant retomber dans une inconscience plus réparatrice qu'elle ne l'avait été jusque là.

***
La première chose que je vis fut le visage ravissant de celle que, sans plus me rappeler pourquoi, j'avais cru morte. D'instinct, mes bras se nouèrent à son cou et je l'attirais contre moi, la mâchoire serrée sous le coup de la douleur que le geste fit naître dans mon ventre mais aussi sous l'effet de l'émotion intense qui me traversa. C'était comme... comme si j'avais peur de la voir disparaître mais qu'en même temps, je n'avais pas le courage de l'affronter de visu.

« As-tu réellement dit ces paroles ? » chuchotai-je dans ses mèches auburn. Je faisais référence à celles de mon rêve, où elle exprimait le regret de son amour mais le confirmait également ; des propos que je me refusais à considérer, de crainte de découvrir leur écho en moi, mais que pourtant mon âme en émoi était incapable de véritablement ignorer.

« Les as-tu dites ? As-tu été jusqu'à songer que... »

Je me tus, incapable de revenir sur ses propres déclarations. Au lieu de ça je poussais un profond soupir et m'écartais d'elle (autant que faire se pouvait, étant donné que j'étais assise dans un lit).
Je pris alors seulement conscience de l'homme qui se tenait là : grand et maigre au point d'en paraître échevelé, il avait dans le regard une lueur de vive intelligence lui donnant finalement plus l'air d'un oiseau de proie que d'un charognard. Compte tenu du fait qu'il portait certains attributs généralement arborés par les guérisseurs (minuscules serres d'oiseau attachées en bouquets et bourses d'herbes diverses à la ceinture), c'était plutôt bon signe...


« Oui en effet, vous n'êtes pas seules » s'annonça-t-il avec un sourire aimable, se méprenant sur mon soudain silence.
« Vous allez donc me faire le plaisir de déblayer le plancher » grinçai-je en retour. « Je suis malade, j'ai besoin d'air et de repos. Fichez le camp. »

Je tenais Ève par le poignet, des fois qu'elle ai eu l'idée saugrenue de penser que je m'adressais aussi à elle.

« Vous avez été victime d'une hémorragie interne. Cela signifie que... »
« Que vous n'allez pas vous tirer de dessous mon nez ? »
« ...le sang a coulé dans votre corps sans blessure apparente. Je ne suis ma foi pas peu fier de ma prestation. »

Subitement alarmée, je relevais le bord de mes atours pour constater l'estafilade qui me barrait désormais le bas-ventre. Le nordique haussa les épaules devant les yeux assassins que je braquais sur lui :

« Il fallait ouvrir pour nettoyer tout ça et vérifier l'étendue des dommages. »
« Vous m'avez ouverte ! Comme une... comme une... comme une huître ! FOUTEZ-MOI LE CAMP ! » braillai-je en désignant la fenêtre.

L'agaçant bonhomme finit enfin par obtempérer, m'évitant ainsi d'en arriver aux menaces et autres imprécations de mauvais aloi. Toute rouge, déjà essoufflée, je m'arrêtais de vitupérer le temps de me reprendre.


« Où est Adèle ? » demandai-je distraitement. Puis : « Heureusement qu'on prend le dirigeable, je n'aurais pas tenu le trajet à pied. »

Je sautais du coq à l'âne, aussi cru-je bon de préciser :

« Tu n'as pas oublié que nous sommes venues ici pour prendre ton engin prétendument volant et gagner la région de Hagor par la voie des airs ? »

J'avais entendu parler du dispositif que j'évoquais mais sans jamais ni l'emprunter, ni en être témoin. Quelque part, j'appréhendais la chose, mais j'en étais aussi toute émoustillée. Et il était absolument hors de question d'attendre que je me rétablisse, comme j'en fis montre en repoussant la couverture qui m'arrivait jusqu'à la taille pour faire mine de sauter à bas du lit. Troquant mon égocentrisme pour une once de bon sens, je me contentais de poser prudemment le pied sur le sol, avant de me raidir autant qu'une branche de vieux saule peut l'être :

« Attends... ne me dis pas qu'il va encore falloir payer un guérisseur ? » gémis-je, au fond du gouffre.
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MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Sam 9 Nov - 3:16
Tant bien que mal, à l’heure même où j’écris, je tente d’effacer les dernières heures de ma vie ; du combat avec ce cher géant jusqu’à ces instants, jusqu’au présent qui s’écoule inlassablement entre mes doigts, qui me rappelle que j’aurais mieux fait de profiter de lui avant que je n’écrase mon futur de ma propre insolence. Comme si j’en avais eu assez d’être heureuse dans ses bras, il avait fallu que je m’en écarte à jamais ; je prenais enfin un certain recul sur moi-même, et réalisai à quel point j’avais été immonde, sans jamais m’en rendre compte. Et je constatais à nouveau à quel point Lucartë avait été folle de m’accorder son affection. Un si précieux amour, d’une si précieuse personne…  Je souhaitais son bonheur, et ne pouvais que me réjouir pour celui – ou celle – qui allait partager sa vie future ; non, cela ne serait moi, et les dieux savaient à quel point je le regrettais. Comment lui en vouloir de ne plus vouloir voir ma détestable frimousse après ce que je lui avais fait ? J’espérais simplement qu’elle ne me rejetterait pas trop violemment à son réveil, ce qui ne ferait qu’alourdir mon cœur, qui allait de toute façon ne pas tarder à cesser de battre ; que ferais-je sans elle qui me redonne goût à la vie ? Rien. La réponse était claire et assurée. Je ferais simplement de mon mieux pour qu’elle n’en ait pas vent et qu’elle ne soit accablée d’inutiles remords.
 
Mon regard, malgré tous mes efforts, ne pouvait pourtant se détacher de ce si joli visage, paisible, à la rassurante respiration régulière. Je le me lasserai jamais d’elle. Son souffle, son odeur, ses lèvres, ses yeux, son nez. Son regard, ses courbes si bien dessinées. Les séparations allaient être difficiles – pour moi. Pour la belle, c’était probablement tout vu, et je m’en voulais d’avantage encore d’avoir gâché un tel trésor, que je ne méritais de toute façon pas.
 
Après le rude coup qu’elle avait reçu au creux de l’estomac, je m’étais enquis de la soigner, ou tout du moins de l’emmener chez un guérisseur, l’une des dernières choses que je pouvais faire pour elle ; j’avais rejoint Adèle qui, sans un mot devant, à nouveau, le même genre de scène que lors de cet incident à Asunia, m’avait aidé, témoignant à nouveau de sa générosité sans bornes et de l’une des qualités que j’appréciais le plus chez elle : sa capacité à ne pas poser de questions quand il n’y en avait aucune à poser. Il avait pris un certain temps d’en dénicher un, les Nains étant moins portés sur les choses de la médecine que les humains, en témoignait le nombre réduit de guérisseurs du Monastère ; mais après quelques instants de course effrénée et paniquée à travers les rues sales de Tubalcain la grande, je finis par me rendre au-devant d’une vieille bâtisse, dont la plaque brillante aux côtés de la porte indiquait qu’elle abritait la tanière d’un guérisseur.
 
Sous mes coups frénétiques qui manquaient de briser la cloison de bois, l’homme en question ne tarda pas à venir m’ouvrir sous le soleil du matin ; de son apparence si proche de mon grand-père, il attira immédiatement ma sympathie : grand et presque rachitique, aux cheveux clairs et décolorés par l’âge, il ne lui manquait que les lunettes rondes de mon ancêtre pour en être le portrait craché. Il portait également divers signes que j’avais déjà vu chez ma mère, lorsqu’elle quittait son apparence de brave vendeuse de fromage pour revêtir le tablier de son vrai métier : guérisseuse. C’est elle qui accompagnait mon père dans ses batailles, et voyageait à ses côtés ; à ma naissance, ne pouvant pas gérer un second enfant dans une telle vie, ils furent contraints de s’installer dans une cité paisible pour oublier leur vie passée et s’atteler pleinement à l’éducation de leurs filles. Ainsi donc, le noble vieillard me faisant face portait lui aussi le même genre de ce qu’un œil non averti prendrait pour frivolités, mais qui avaient un certain pouvoir – des plus flous pour moi, certes – sur leurs talents de soin, comme des plumes ou des perles disséminés un peu partout sur ses vêtements usés. Il ne posa pas beaucoup plus de questions que l’aurait fait mon cher prêtre, et quelques mots lui suffirent ; c’était là tout le courage et le sens du devoir que j’admirais chez médecins et autres docteurs : la vue d’un corps meurtri leur suffisait pour se mettre au travail. Bien sûr, il serait payé, et grassement, par mes soins, et il le savait, mais cela restait honorable.
 
Il m’invita à rejoindre une salle accompagnée d’un lit, qui serait probablement occupée par la belle plus tard ; je luis avait confié Lucartë, inconsciente depuis un bout de temps déjà, non sans inquiétude, mais il ne pouvait en être autrement. J’avais bien tenté de rester à ses côtés, mais l’homme refusait catégoriquement, et je n’avais souhaité insister de peur de le vexer et que nous nous retrouvions à la porte. Je pleurai un peu sur les draps, en silence, libérant une partie de ma peine inassouvie à jamais tandis qu’un inconnu triturait, ouvrait le corps de ma douce sans que je puisse rien y faire.
 
Un peu moins d’une heure passa avant que le vieil homme me ramène le corps de mon aimée, qui était strié d’une longue et profonde cicatrice ; je ne lui en voulais nullement, car il m’aurait étonné qu’une quelconque blessure ou même le passage du temps ne puisse altérer la beauté de Lucartë – l’intéressée ne serait cependant peut-être pas du même avis. Elle n’avait perdu beaucoup de sang lors du combat, mais je savais que le coup qu’elle avait reçu n’était pas sans une certaine gravité – le réel problème était interne, sous peau et organes. Je la couchai dans le lit, me contenant d’attendre, anxieuse, son réveil, tandis que le silence régnait, à l’image de la quiétude qui s’emparait des cieux avant une tempête.
 
***

Elle ouvrit les yeux, mon cœur cessa de battre. Et contre tout attente, elle ne tenta de me tuer, ni de m’insulter, ni de détourner le regard, mais bien de m’enlacer ; elle n’y parvint pas, accablée par la douleur qui lui enserrait probablement les côtes, ravivant au même instant mon espoir, qui s’empara de mon corps entier, comme s’il on avait ouvert des vannes que l’on ne parviendrait plus à refermer.
 
« As-tu réellement dit ces paroles ? »
 
Elle ne fit que confirmer mes soupçons ; il était, au fond, évident qu’elle n’avait pas tout ouï de ma dramatique tirade sur mes innombrables erreurs, et que la conscience lui avait échappé bien avant que je n’entame ce flot incessant de paroles.
 
« Les as-tu dites ? As-tu été jusqu'à songer que... »
 
Elle ne termina sa phrase, et je ne saisissais pas de quoi elle voulait précis »ment parler ; elle s’écarta légèrement de moi, créant une véritable déchirure en moi sans vraie raison, avant de remarquer le médecin se tenant non loin de la porte. Depuis combien de temps était-il présent ? Si, plus tôt, il pouvait s’interroger sur les liens qui nous unissaient, il en était désormais clair ; ce n’était pas le genre d’étreintes que l’on offrait à une simple amie, et nous n’avions décidément pas l’air de sœurs ; mais s’il l’avait deviné, il n’en fit aucune remarque, et je lui en étais reconnaissante.
 
« Oui en effet, vous n'êtes pas seules. » 


« Vous allez donc me faire le plaisir de déblayer le plancher. Je suis malade, j'ai besoin d'air et de repos. Fichez le camp. »
 
Elle s’était emparée de ma main, sans quoi j’aurais pris la remarque pour moi-même et aurait filé ; mais apparemment, elle souhaitait me voir rester, et ce n’était pas moi qui allai m’en plaindre.
 
« Vous avez été victime d'une hémorragie interne. Cela signifie que... »
« Que vous n'allez pas vous tirer de dessous mon nez ? »
« ...le sang a coulé dans votre corps sans blessure apparente. Je ne suis ma foi pas peu fier de ma prestation. »
 
Non sans une certaine panique, Lucartë, se redressant, constata la longue cicatrice lui parcourant le ventre.
 
« Il fallait ouvrir pour nettoyer tout ça et vérifier l'étendue des dommages. »
« Vous m'avez ouverte ! Comme une... comme une... comme une huître ! FOUTEZ-MOI LE CAMP ! 
 
A vrai dire, je n’étais pas étonnée par la réaction de la belle. Elle était coquette, et n’appréciait que l’on change son corps sans sa permission ; pour moi, elle resterait toujours aussi belle, mais je pouvais comprendre sa réaction.
 
« Où est Adèle ? Heureusement qu'on prend le dirigeable, je n'aurais pas tenu le trajet à pied. Tu n'as pas oublié que nous sommes venues ici pour prendre ton engin prétendument volant et gagner la région de Hagor par la voie des airs ? »
 
 
Si, cette idée m’était sortie de la tête. Tellement de temps semblait s’être écoulé depuis notre arrivée que notre but initial s’était effacé de ma mémoire. Mais le plus étonnant était qu’elle agissait comme si… Comme si rien ne s’était passé, et que nous n’avions fait que vaquer dans les rues de Tubalcain ; était-ce un choix, ou avait-elle perdu la mémoire des événements passés ? Coupant court à mes réflexions, elle tenta vainement de se lever, se raidissant soudain au seul contact du sol.
 
« Attends... ne me dis pas qu'il va encore falloir payer un guérisseur?"
 
Je souris, amusée.
 
« Si, bien sûr. Mais je m’en chargerai. »
 
« Pour répondre à ta précédente question… Si, j’ai pensé que tu allais t’en aller suite à ce que je t’ai dit hier soir ; je pensais avoir accumulé trop d’erreurs pour ton indulgence. Et lorsque, pour moi, tu t’en serais allée, je me serais donnée la mort. Maintenant que je te l’ai avoué, ce poids va peser sur tes épaules, mais… De toute façon, c’est trop tard. Et puisque tu sembles être assez généreuse pour m’accorder une seconde chance, je ne vais pas te lâcher de sitôt, sois en sûre. Je t’aime. »
 
C’était la troisième fois que je le lui certifiais ; jamais ces mots n’avaient été chargés d’une telle certitude.
 
« Ah, et Adèle risque de coûter assez cher à emporter dans le dirigeable… Je te laisse payer pour elle ; ou plutôt, je te confie mon argent. Je n’en ai pas besoin, de toute façon. Et ne viens pas essayer de refuser, je sais que tu le veux. » Dis-je, un sourire malicieux sur les lèvres, en déposant ma bourse entre ses mains. Je ne cherchais là une manière de lui prouver ma confiance, ni quelque autre preuve d'amour que cela soit. Je n'en avais pas l'usage, et je la connaissais apprécier l'argent.
 
Une fois encore, je n’avais été très habile, et une fois encore, j’allais devoir abuser de l’indulgence de mon aimée. Notre relation… Était devenue compliquée, par ma faute. A la base, tout était simple. Je l’aime à la folie, et elle tombe amoureuse de moi, lentement mais sûrement. Cela me suffit.
 

« Lucartë, si nous reprenions tout à zéro ? »
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Lucartë Lumisia
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Au diapason de ce cœur de basalte

MessageSujet: Re: Au diapason de ce cœur de basalte Au diapason de ce cœur de basalte  Icon_minitime1Mer 20 Nov - 8:17
Je dérobais mon regard à celui d’Ève tandis qu'elle s'expliquait, observant mes mains tandis que je triturais le bord de "ma" couverture. Un sourire amusé fleurit sur mes lèvres, issu du terreau de mon bonheur. Mon bonheur, oui : la demie-naine me renouvelait son affection comme on peut renouveler un serment, et de fait, elle me promettait son amour à travers les âges et les ténèbres. Je ne savais pas ce qui avait pu me mériter une telle faveur du destin, et peut-être restait-elle encore à payer. Certains avaient oublié les dieux et leurs caprices, mais pas moi, car je relatais ces histoires. Je les faisais revivre... et je n'ignorais pas que certains de nos protecteurs pouvaient également devenir nos détracteurs, reprenant d'une main ce qu'ils avaient jadis donné de l'autre. Dans cette crainte, je retrouvais la raison de mon refus primitif d'aimer : aimer, c'était prendre le risque de mourir un peu, car mortifère était la perte de l'être aimé. N'est-ce pas folie que de donner à une autre personne que soi la prime importance de tout ce qui est en ce monde ? Considérer autrui avec davantage d'amour que vous n'en avez pour vous-même... c'est profondément stupide. Nous, les races qui sommes capables d'amour, ne sommes-nous pas en cela inférieures ?

J'aurais sans hésitation répondu oui à cette question, il y avait encore quelques mois de cela. Aujourd'hui, je n'étais plus si certaine de mes convictions, mais je préférais brûler sur le bûcher de mes propres afflictions plutôt que de l'avouer (surtout à la face de l'intéressée).

Je me retrouvais désarmée devant sa réflexion sur ma possible vénalité. Moi, appâtée par le gain ? Bien sûr que non !
Bien sûr que oui... enfin, ce n'était pas entièrement vrai. J'adorais gagner et dépenser l'argent, ce qui me donnait le sentiment d'être parvenue à donner un sens à mes peines... car même si je l'avais pu, je ne me serais pas nourrie d'air pur et d'eau fraîche ; j'aurais continué à acheter viande et vin, à me nourrir comme quatre et à me livrer à toutes sortes de libations nocturnes. C'était ainsi que je voyais la vie, dans l'excès et ce jusqu'à la débauche, tant qu'elle n'amenait ni à la souffrance ni à la cruauté. Les abus de nuit, revers du labeur courageux de jour.


« Lucartë, si nous reprenions tout à zéro ? »

C'était une question plus que délicate. Je pouvais prendre bien des choses à la légère, et en contrepartie, il en était quelques-unes que je prenais avec la plus extrême gravité. Cette interrogation-là... elle me menait devant d'insondables perplexités. Ève semblait avoir l'impression d'avoir commis un faux pas et souhaitait tout clarifier, faire table rase de certains évènements passés, de certaines paroles qui avaient été dites, de certaines pensées qui avaient été cachées...

« Je... Non. »

Ça n'avait pas été dit avec brutalité, mais douceur. Je lâchais le bord de la couette pour prendre ses doigts, timidement. Je n'étais pas encore très à l'aise avec des contacts aussi simples, car ils n'avaient rien ni de cocasse ni d'espiègle, et supposaient une franchise que je ne me sentais pas posséder.

« Lorsque deux étoiles fendent le ciel de concert, brisant le gel de l'immensité dans leur course ardente, il survient parfois que leurs flammes se heurtent au lieu de s'unir. Cela arrive, Ève. »

Ève. Son prénom même me charmait, et pourtant, ce serait un indicible plaisir que de lui substituer... autre chose. Un surnom, comme en trouvaient parfois les hommes et les femmes qui s'aimaient. Mais je n'osais pas ; au lieu de ça, je me demandais si mon père et ma mère s'en donnaient toujours. Sans doute les avais-je entendus à ce sujet, mais je ne m'en rappelais plus. Cette mémoire inaccessible me faisait l'impression de les trahir, comme si je n'avais ingratement rien conservé d'eux et de leur amour pour moi.

« Nous aurons des différents. Des moments où nous ne nous comprendrons pas. Regarde à quel point nous ne nous ressemblons pas... » fis-je en éclatant d'un rire chaud. « Cela n'a pas d'importance, car nous veillons l'une sur l'autre, non ? »

J'avais dit cela de façon moqueuse, mais la gorge nouée. C'était vrai : j'étais restée à son chevet au sortir de son affrontement avec le loup-garou et ç'avait été à son tour de me veiller, suite à l'incident avec Halakurbd. Pourtant... la dernière fois qu'un héros avait eu besoin de mon aide, je l'avais trahi. L'ombre de ce souvenir ternit un instant l'or fauve de mes yeux de corbeau, bien que je la chassai vite.

« Allons-nous en. On a un... un truc volant... à prendre. »

Je parvins à sortir du lit et marcher un peu avec son aide ; le dirigeable serait une nécessité pour Adèle mais aussi pour moi...
Tout en faisant un pas après l'autre, m'appuyant sur son épaule solide, je ne pu m'empêcher de m'arrêter sur le fait que je ne lui avais pas retourné son "je t'aime". Cela ne lui échapperait pas, évidemment... mais ce n'était pas la première fois, et sans doute pas la dernière non plus. Ne l'avais-je pas dit ? Nous ne nous ressemblions pas.

Et je brûlerai de mes mains incandescentes celui qui dirait que cela nous empêchait de nous aimer.
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