Green Arrow, cité des elfes. La jeune femme était enfin arrivée là où son destin l’avait mené. C’était un endroit verdoyant et lumineux. Les arbres, gigantesques, laissaient entrevoir la lumière. Un endroit féérique où le chant des oiseaux et la pureté de l’air donnaient une sensation de bien être. Les nombreux elfes qui vivaient dans cette cité souriaient, se saluant par des signes de tête. Des petits enfants chahutaient sur la route. Linaewen n’en croyait pas ses yeux. Ayant toujours vécut aux côtés de ses parents et d’Elendil, son ami corbeau qui la suivait de près, l’extérieur semblait vraiment merveilleux. Tout ce qu’elle avait appris était dans les livres et dans l’éducation de sa mère. Le feu aux joues, les cheveux se balançant au gré du vent, dans sa petite tenue et sa cape faite de plumes qui virevoltait de ci, de là. Certains échangeaient des objets ou de la nourriture. L’elfe devait trouver un travail mais aussi un logement. Comment allait-elle s’y prendre ? Le peu de choses qu’elle avait en sa possession était ce baluchon comprenant quelques pâtisseries confectionnées par sa chère mère. Ce lieu paisible et sain était vraiment d’une beauté inégalée comparée à la forêt de Lysa. D’après ce que Linaewen en avait pu observer en compagnie de ce très cher guerrier des ombres, vêtu de noir et à l’air sinistre.

Certaines personnes regardaient la nouvelle arrivante, vêtue de blanc et de plumes, ses petites perles orangées scintillants dans ses cheveux blancs aux reflets bleuets. C’était la première fois qu’elle se sentait observés par tant de personnes. Une légère brise. Le vent apportait les beaux dires et l’écho des chants des oiseaux, un bruit de flûtes au loin. Green Arrow. Lieu de rencontre et surement lieu de vie auquel cas, notre jeune amie allait enfin pouvoir goûter aux mets variés elfiques et discuter d’exploits et de quêtes. Son carquois remplis de flèches et son arc dans son dos montrait qu’elle était une aventurière. Mais hélas, une toute jeune et fraîche aventurière. Sa première journée lui montra que le Monde n’était pas si beau et sain qu’elle le prétendait. Le sang qu’elle avait vu coulé, l’odeur pestilentielle des cadavres l’avaient rendu malade. Cependant, son but n’était pas encore vraiment fixé. Il fallait qu’elle parle à des gens, qu’elle sache à qui pouvoir faire affaire. Chercher des compagnons d’armes ou alors une guilde qui pourrait l’entrainer et la guider vers le droit chemin. Quelques étables étaient érigées et certains travaillaient le bois ou le tissu. D’autres étaient assis près d’un petit ruisseau à se tremper le bout des pieds. Vint alors quelqu’un qui fit détourner le regard de la jeune fille. Elendil surprit s’arrêta net dans son envol pour se poser à terre. Regardant la jeune femme avec ce qui semblerait être du dédain. Lin’ souri et indiqua à son corbeau de l’accompagner suivre cet homme. Il ne semblait pas elfe. Suivant cette chevelure noire, discrètement, elle attendit un moment propice pour pouvoir engager la conversation. Il portait une veste longue avec de longue manche. Cet homme avait un visage fin et semblait raffiné et une élégance hors du commun. Ce qui attira la jeune fille jusqu’à ce que malencontreusement, il disparut. A gauche ? A droite ? Non. Rien. Il n’était plus là. C’est avec dépit qu’elle parla à Elendil.

- Oh. Quel dommage. Cet homme avait l’air vraiment charmant. IL semblait différent des autres que nous avons pu voir, Elendil. Que faisons-nous ? Je n’arrive pas à interagir avec ces personnes autour de nous. J’ai peur d’engager la conversation sans qu’on ne me prenne pour une étrangère alors que je suis … elfe ? C’est absurde.

Baissant la tête, la jeune femme continua son trajet et pensait à cet homme. Peut être n’était-ce qu’une illusion ? Linaewen voulait un peu d’action et avoir quelqu’un à qui se confier. Sans ses parents, l’elfette avait un peu plus de mal. Pourtant âgée de 84 ans, il était difficile de se faire comprendre alors qu’elle venait tout juste de sortir du cocon familial. Cependant, elle leur avait promis de revenir au bout de quelques temps. Cela leur fera surement plaisir d’avoir des nouvelles de leur fille chérie. Perdue dans ses pensées, elle finit par heurter quelqu’un. Elle s’excusa alors d’une petite voix timide et s’aperçut de qui il s’agissait… C’était lui. Elle rougit et finit par parler tranquillement.

- Enchantée messire. Pardonnez-moi de vous avoir … heurter subitement. Je ne m’attendais pas à … je ne faisais point attention. Je me nomme Linaewen Elenwë.

Plus Hinata avançait sur le long sentier sinueux reliant sa demeure pittoresque à la ville-forêt de Green Arrow, plus le mage se sentait stupide de faire ce long voyage. Son but principal était de trouver des clients qui accepteraient de faire enchanter leurs armes contre un peu d'argent, qu'il utiliserait pour acheter des livres sur l'illusion. Le problème était qu'il ne tient pas tous les elfes dans son cœur, mais c'était encore la seul race à qui il n'avait pas encore proposé des contrats d'enchantement à long comme à court terme. Bien sûr, l'illusionniste s'était un peu renseigné sur les elfes avant de partir pour ce long périple, mais il y avait souvent beaucoup de différence entre la théorie et la pratique.
Après quelques jours interminables de marche, le mage fut enfin arrivé à Green Arrow. Le voyage avait été douloureux, mais il en valait le coup. Hinata resta sans voix face à cet endroit tout droit sorti des songes. Quelques maisons à la structure étrange et magnifique entourées de larges rangées d'arbres à la grandeur époustouflante. Le tout baigné dans une lumière semblant être divine. Un vrai bonheur pour les yeux comparé à la ville naine Tubalcain. Le mage avança en direction des chemins qui circulaient de part et d'autre de l'énorme ville. Quand il commença à faire du porte à porte à toutes les forges - en tout cas, tout ce qui y ressemblait -, il eut tout le loisirs d'observer un peu les elfes. Ils avaient peur. Ça, c'était une certitude. Ils le regardaient avec des yeux craintifs, le défiguraient ou bien encore essayaient d'éviter de le regarder dans les yeux.

- Si jamais tout le monde est comme ça, ce n'est pas encore aujourd'hui que je vais trouver quelqu'un avec qui marchander, soupira-t-il après qu'une énième personne lui dit qu'il n'avait pas besoin de ses services. Je vais au moins essayer de profiter du paysage, pour ne pas avoir fait tout ce chemin pour rien ...


Il décida alors de faire une pause et de se promener librement dans toute la ville sans but précis, ne s'arrêtant que pour admirer le paysage ou encore regarder le comportement des elfes avec plus d'attention. Alors qu'il marchait sur un chemin plus emprunté que les autres, une jeune elfe le percuta involontairement.

- Enchantée messire. Pardonnez-moi de vous avoir ... heurter subitement. Je ne m'attendais pas à ... je ne faisais point attention. Je me nomme Linaewen Elenwë, s'excusa-t-elle.


L'elfe, ou Linaewen, était vêtu de magnifiques vêtements faits de plumes éclatantes. Son visage fin, un trait caractéristique des elfes, était entouré de longs cheveux blancs légèrement bleutés par endroit. Ses petites oreilles pointues étaient dissimulées derrière ses mèches blanches. Sur tous les points, c'était vraiment quelqu'un de magnifique. Le mage prit un ton chaleureux et lui dit dans un sourire:

- Ah, ce n'est pas grave Linaewen, ce n'est pas grave. Tu n'as rien j'espère ? C'est ma faute, j'aurai dû regarder où je marchais et je m'en excuse ... Je peux t'aider en quoi que ce soit ?

Cet homme. Son regard. Cette aura ... Il avait vraiment un air bienveillant. Sa carrure était mince. C'est presque avec courtoisie qu'il vint lui dire quelques mots en demandant si la jeune femme allait bien et exclamant si une aide lui aurait été utile. Une aide ? Peut-être bien. Linaewen venait tout juste d'arriver sur Green Arrow. Une brise d'air, les cheveux balayaient le visage de celle ci. Passant une main dans ses cheveux afin d'essayer de les remettre en place, restant ainsi, attendant que ça se calme. C'était une belle scène de rencontre. On aurait dit deux aristocrates, un homme et une femme, tout deux bien vêtues et agissant avec finesse. Ces deux protagonistes se regardant yeux dans les yeux. D'une voix douce et avec ce petit clin d'oeil malice, elle rétorque :

- Je vais bien. Ne vous en faites pas. Je ne sais pas vraiment où je dois aller. Je suis perdue.

Un silence. Elle détourna le regard sur la droite, des enfants courraient partout. Quelques feuilles s'élevèrent dans les airs. Un temps. Elendil ne s'approcha pas, le corbeau restait en arrière, éloigné, installé sur une branche à quelques lieux de l'endroit où nos deux protagonistes conversaient. Simple et élégant. Quel charmant homme. Quel était son nom ? Linaewen ne pouvait comprendre mais quelque chose l'interpella. C'était comme une voix intérieur qui lui disait de rester là. Ne pas bouger. Et attendre. Quelque chose se passerait. Mais quoi ? Mordillant un peu ses lèvres, rougissant au niveau des joues, elle plaça de nouveau son regard vers cette élégante personne pour répondre de nouveau.

- Pardonnez-moi de nouveau mais ... Quel est votre nom ? Vous ne m'avez pas l'air d'être d'ici. Moi non plus, dit-elle avec un soupir. Cela fait 84 ans que j'ai vécut avec mes parents. Et en sortant de ce cocon, j'ai eu affaire à des malfrats et au sang. Qui salit nos mains. Mon arc et mes flèches me servent à me défendre comme à chasser. Un silence. Je crois que même au sein de ma propre communauté, j'ai cette sensation d'être étrangère.

Baissant la tête, une petite larme au coin de l'oeil qui se voyait à peine. Un peu comme ces scène où l'on se rend compte de la miséricorde du monde. Et peu de personne sensible prête à venir en aide et comprendre. Cet homme semblait tellement différent. Il dégageait quelque chose de fort. Lin' ressentait une âme chaleureuse et bienveillante. Pourtant, son père lui avait dit un jour "Ne fait jamais confiance au premier masque que tu vois". Oui. Chaque personne était différente. Chaque personne avait plusieurs masques et ne dévoilait jamais vraiment sa personnalité. Mais Linaewen n'avait jamais pu comprendre comment fonctionnait ces personnes. Ayant toujours montrer son véritable visage, sa douceur et sa compassion envers autrui. La jeune femme n'avait jamais connu la violence avant cette scène dans les bois de Lysa. Si ignoble et sanguinolente. Ces cadavres, bout de chair et d'os qui peuvent si facilement périr par un coup d'épée ou de flèche. Ces corps si frêles qui se vident petit à petit. Quel tristesse. "La meilleure attaque est la défense". La voix de son père raisonnait dans ses oreilles. Se remémorant quelques scènes avec son paternel, c'était ainsi qu'elle avait reçu son éducation. Et par les livres que sa mère lui donnait. Reprenant ses esprits, cette charmante personne se tenait toujours debout. Son visage fin était presque comme celui des elfes. Il était différent de tout ceux qu'elle avait pu observé. C'est comme si, elle aurait aimé touché cette peau délicate et sentir un peu de réconfort en ce bas monde. Lin' expliqua en quelques mots ce qu'elle voudrait :

- Monseigneur, je ne sais si vous pourrez m'aidez. Je me cherche un but. Voyez-vous. Celui de venir en aide aux gens. J'ai l'air faible et fragile, je suis une experte au tir à l'arc. Depuis ma tendre enfance, mon père m'a initié à cette performance. Seulement... ça et le chant sont mes seules atouts. Je ne connais personne. Je voyage donc avec mon corbeau, Elendil. Et vous, que faites-vous sur ces terres ?

D'une certaine façon, Hinata était empathique envers Linaewen. Elle lui ressemblait un peu dans un certain sens. Ils avaient passé tout deux leur vie quelque part sans sortir, n'ayant jamais eu de réels contacts avec l'extérieur. C'était peut-être pour ça que le mage se sentait obliger d'aider l'elfe; il se voyait à travers elle. Toutes ces années qu'il avait passé seul dans sa cabane au fond des bois l'avait profondément marqué, autant en bien qu'en mal. Il avait appris à vivre avec la solitude, une amie parfois bien triste dans certains moments, mais qui apportait le calme et la méditation qu'il fallait pour étudier la magie. Il ne pouvait que remercier toutes ces années qui avaient fait de lui ce qu'il est aujourd'hui.

- Ah oui, excuse-moi, je m'appelle Hinata, se reprit-il en souriant de toutes ses dents, enchanté de te connaître Linaewen. Et je t'en prie, tu peux me tutoyer, nous avons vécu presque la même histoire. J'ai moi aussi vécu quelque part seul sans sortir de chez moi, mais j'ai réussi à me refaire une vie dans ce qui me paraissait être l'inconnu. Alors je ne vois pas pourquoi, toi, tu ne pourrais pas en faire autant.

Le mage marqua une courte pause, suite à une idée qui émergea de son esprit. Il pouvait encore aider cette jeune femme et elle pouvait encore l'aider lui.

- Ce que je suis venu faire ici ? Eh bien, je voulais proposer mes services d'enchanteur aux forgerons elfiques, mais ils n'ont pas l'air d'accorder leur confiance aux étrangers ... J'ai une idée, ca te dirait de m'accompagner quelques temps pour faire du porte à porte ? Je suis sûr que les gens d'ici seront plus confiant si jamais tu es avec moi, et comme ça, nous pourrons parler et je pourrais essayer de t'aider d'accord ?

Ce n'était pas quelque chose de très conséquent, mais ils pourraient au moins faire plus ample connaissance et il pourra l'aider au mieux. Ce n'était pas tout les jours que quelqu'un réclamait de l'aide à Hinata, non pas sans raison, mais il tenait cette fois-ci à faire de son mieux. Pourquoi ? Il n'en savait trop rien.

- Nous ferions mieux d'y aller, la pressa-t-il en la prenant doucement par le bras, et bien sûr, tu auras ta paye si nous réussissons, car ce n'est pas avec ça que tu vivras très longtemps sur ces terres, lui dit-il d'un ton rieur en lui montrant son baluchon. Mais, tu m'as parlé de sang et de malfrats ... Et tu sembles vraiment marqué par ces événements ... Raconte-moi un peu cette histoire qui m'intrigue beaucoup ...

Et ils s'embarquèrent tout deux dans la ruelle.

Hinata ... Quel beau prénom. Il semblait vraiment posé et bienveillant. Une personne admirable et pleine de bonne volonté. La jeune femme rougit lorsqu'il lui prit le bras et l'incita à l'accompagner pour faire du porte à porte. "Et bien, pourquoi pas" ,répondit-elle en acquiesçant avec un large sourire. C'est ainsi qu'ils avancèrent. Puis il entama sur le fait qu'elle aura un peu d'argent à la fin si tout se passe bien. Linaewen n'avait même pas songé à lui demander quoi que ce soit cependant, il est vrai qu'en ces temps obscurs et difficiles, les joyaux sont toujours la bienvenue dans la poche de quelqu'un qui en aura besoin pour son voyage. Hinata lui demanda les récents événements qui ont emmenés celle ci jusqu'à Green Arrow. Sous les rayons lumineux qui passaient à travers les feuilles, nos deux protagonistes avançaient. Ils étaient là, avec un charme irrésistible qui en faisait envier plus d'un. Certains les regardait avec un air de compassion et de tendresse, d'autre plutôt intrigués. Elle mit un temps avant de pouvoir répondre au jeune homme alors qu'ils s'apprêtaient à passer près d'une maison en bois pour faire ses propositions. Lui stoppant le pas, Lin' releva son regard océan et jaune vers lui et d'une voix calme lui rétorque:

- Et bien. Je ne pensais pas que les hommes étaient si impurs. Si malhonnêtes. Aujourd'hui, les gens ne vivent que pour leur profit. Cet homme était étrange, mystérieux, silencieux et noir. Si sombre et glacial étaient ses yeux, son armure était incroyablement résistante aux coups. Sven ... Un homme que je n'oublierai jamais. Il a pourtant sauvé cette dame qui allait se faire violer. Je ne pourrai dire si il est pour le bien ou le mal. Il fait ce qu'il à a faire. J'ai parcouru le chemin jusqu'à Green Arrow en sa compagnie, sur une charrette. C'est tout ce que je peux te dire pour l'instant.

Linaewen lui prit le bras et frappa à la porte. La maison était axée sur deux étages, un petit jardin où le ruisseau passait juste à leurs côtés et une petite forge où était entreposé des objets et des armes. C'était comme dans un conte de fée. Un homme plutôt mince arriva. Ses longs cheveux bruns en arrière, ses oreilles d'elfes étaient percés de part et d'autre. Il avait un visage anguleux, des yeux gris et une voix rauque. Il s'avança vers eux et referma la porte derrière lui. Il expliqua que sa femme essayait de faire endormir leur enfant. Linaewen prit la parole pour le mettre à l'aise tout en lui expliquant ce que désirait Hinata.

- Bien le bonjour ! Je me présente Linaewen Elenwë et voici mon compatriote Hinata. Nous sommes ici pour votre forge. Nous les elfes aurions besoin de plus de résistance. Il n'y a pas si longtemps, une vingtaine de bandits ont attaqués une charrette qui devait livrés des objets pour Green Arrow et les autres contrées. Mais hélas, ils sont morts. En dehors de la ville, c'est bien trop dangereux. Mon ami ici présent vous propose ses services. Il sait enchanter les armes.

Homme elfe - Uhm ... Quel histoire. Je n'en ai pas eu vent, pour l'instant. Mais il est vrai que les temps sont dangereux. Hinata, c'est bien ça ? Pourriez-vous me montrer de quel genre d'enchantement vous produisez ? Testez donc sur une de mes vieilles reliques.

L'elfe alla dans sa forge et revint peu de temps après avec une dague émoussée. Le pommeau de l'arme était noir avec des entailles à quelques endroits. Linaewen se demanda comment allait procéder son compagnon. Allait-il réciter une formule magique ou bien faire un cercle de transmutation ? Elle attendit et regarda celui-ci avec envie.

Le jeune homme se sentait assez mal pour sa compagne. Vivre une histoire comme celle-là n’avait pas dû être facile, en sentant dans le fond de son âme le désarroi de cette voix pourtant si féminine et innocente qui n’avait rien demandé. En effet, celui-ci était rarement affecté par un quelconque événement et avançait sans se retourner vers le passé, qui pouvait parfois être cruel et froid. Ce manque d’attachement envers les choses passées était à la fois une de ses qualités et un vilain défaut.
 
- Alors, jeune homme, que sais-tu faire ? lui demanda l’elfe.
 
Cette phrase le coupa net dans ses pensées, faisant chavirer son regard de part et d’autre de la pièce, comme si on venait de le réveiller brusquement.
 
- Euh, eh bien, commença-t-il pour se laisser le temps de récupérer ses esprits, divers enchantements de toutes sortes, même si j’ai quand même un faible pour les élémentaires. Mais, évidemment, tout dépend de votre demande.
 
Le mage avait fini sa phrase par un sourire assez simple, essayant d’influencer un minimum le choix du forgeron. Les enchantements n’avaient rien de très compliqué à la base, mais les plus impressionnants lors de la création étaient préférables afin d’époustoufler l’acheteur, ce qui était le cas  avec les élémentaires.
 
- Va pour les élémentaires alors ! En tant qu’elfe, tu comprendras que je ne suis pas vraiment pour l’enchantement de feu, même si je suis forgeron, répondit l’elfe en riant. Tu peux donc l’enchanter avec l’élément de glace.
 
Hinata sourit lui aussi et saisit la dague de sa main droite tandis qu’il cherchait dans sa sacoche une pile de parchemins de son autre main. De sa sacoche, il en sortit une liasse de papiers, tous reliés à l’aide d’un léger élastique. Il retira délicatement l’élastique et le replaça dans une poche latérale de sa sacoche. Le mage plaqua chacune de toutes ses feuilles sur la lame, malgré qu’elle soit petite. Ce n’était pas une dose correcte pour le peu de métal que c’était, mais le forgeron ne devait pas être époustouflé qu'à moitié.
 
Ce petit rituel ne prit que quelques secondes, avec le collant naturel de ses bouts de papier. Lorsqu’il fut prêt à lancer l’enchantement, il posa ses doigts sur le manche de la dague.
 
- Alors… C’est parti, annonça-t-il à voix basse, déjà concentré pour ce qu’il devait faire. Je vous demanderai de vous tenir à une certaine distance, cela pourrait devenir dangereux si cela tournait mal.
 
Sa main prit totalement le manche et le serra de toutes ses forces. Sa colonne vertébrale était droite, sa main droite, qui tenait la dague, était écartée de lui à un demi-bras tandis que les doigts de son autre main s’étaient posés sur la base de la lame. La respiration profonde, il n’avait pas le droit à l’erreur. Cela devait normalement être sans danger, mais la dose de papiers qu’il avait mis allait peut-être faire changer le cours des choses. Ne pensant plus aux conséquences, il se plongea corps et âme dans son rituel.
 
Ses doigts se mirent à glisser le long de la lame, lentement, très lentement, jusqu’à arriver à la pointe où les parchemins se brisèrent tous à l’unisson. Une explosion retentit et l’enchantement commença. Des vagues bleutées volaient au-dessus des têtes, comme des voiles que l’on agitait pour en retirer la poussière, sauf qu’ici, ce n’était pas de la poussière qui tombaient, mais des particules blanches et brillantes, qui tournoyaient autour du mage, sans jamais le toucher. L’atmosphère était d’un seul coup devenue froide et glaciale. Le mage n’aurait pas pensé que cela en arriverait jusque là, mais il devait continuer. Il sentait le sol se geler sous ses pieds, le crépitement de la glace attaquant les meubles, mais sa concentration ne pouvait pas défaillir. Chaque paillette, chaque vague était un concentré magique extrêmement froid qui pouvait sans doute congeler n’importe qui et n’importe quoi si elles devenaient incontrôlables. Les vagues se transformèrent alors lentement en un seul et unique siphon, avec comme centre la lame de la dague. Les particules blanchâtres se mirent à se coller sur les parois de ce tourbillon glacé, mais certaines arrivaient quand même à ce frayer un chemin hors de l’enchantement jusqu’à atterrir sur divers meubles de la pièce. Hinata reçut lui-même un petit flocon sur la joue, qui le brûla instantanément par son froid insoutenable, lui arrachant une plainte sourde. Cela ne déstabilisa pas pour autant son corps qui resta stoïque et concentré sur ses actions. L’enchantement se continuait dans tous les cas, malgré les petites particules qui s’échappaient encore de part et d’autres de la pièce. Le siphon rétrécissait à vue d’œil, mais l'arme était toujours invisible sous ce bleu inquiétant. Une fois que tout fut rentré à l’intérieur de la lame, Hinata lança sans avertissement la dague qui se planta dans le sol, juste à ses pieds, la main rougie par la morsure du froid.
 
Le mage recula de quelques pas sous le coup du retour de sa conscience dans la maison du forgeron elfique. Il prit à peine le temps de respirer qu’il regardait déjà la dague, enfoncée dans le sol. Celle-ci était maintenant aiguisée comme la plus tranchante des épées et brillait d’un bleu si pure qu’elle en était magnifique. Le plancher sur lequel la lame s’était fichée était maintenant gelé sur une dizaine de centimètres, donnant en quelque sorte un réceptacle pour cette arme gelée.
 
 
- Et voilà, ça, c’est fait, se contenta de dire Hinata en souriant et en replaçant sa mèche noire d’un geste ample de la main.